in a shadow of the cyberpunk _01by ~DarkEnterDigital Art / Drawings / Sci-Fi©2012-2013 ~DarkEnter

in a shadow of the cyberpunk _01 by ~DarkEnter Digital Art / Drawings / Sci-Fi ©2012-2013 ~DarkEnter

Si vous avez apprécié Sentinelles, que R&D vous a captivé et que A.I. a titillé votre imagination, vous trouverez sans doute des réponses à vos questions dans cette quatrième nouvelle, écrite dans un univers cyberpunk par votre serviteur!

Bonne lecture et ne soyez pas avare en retour, c’est toujours sympa d’avoir des critiques 😉

Les rues sont bruyantes comme à l’accoutumée.

Bien heureusement, le dérivatif audio patché sur mon implant me permet de me déplacer sans être dérangé par le tumulte ambiant.
Je n’ai pour ainsi dire pas le temps de m’amuser avec la foule. Pour la première fois en dix ans, j’ai enfin réussi à décrocher l’interview qui va faire décoller ma carrière.
De longues années que je cherche un représentant de cette communauté alternative qui refuse la domination économique des mégacorporations implantées un peu partout sur la Terre.
Pour certains, ce sont des altermondialistes vivants reclus, pour d’autres des hippies sans foi ni loi qui n’ont pas su évoluer avec leur temps.
Il paraîtrait même que parmi ces gens là, il y a aurait des homosexuels. Je suis trop jeune pour avoir connu cette époque mais mes aïeuls parlent d’un moment de l’histoire où l’homosexualité était tolérée voire légalisée. C’était il y a bien trop d’années pour que nous nous en souvenions. La sexualité était de toute façon fermement encadrée maintenant et cela n’avait rien d’anormal, c’était pour notre bien.

Encore quelques minutes et je me retrouvais dans le bouge le plus infâme des bas quartiers.
Heureusement, j’avais activé un parasiteur, charmant gadget récupéré plus ou moins légalement, me permettant entre autre de me fondre tel un caméléon dans cette foule bigarrée et inquiétante. Le port obligatoire de l’implant n’avait pas empêché le développement d’une faune dans certains quartiers et les descentes fréquentes de comités de sécurité ne rendaient pas l’endroit forcément plus fréquentable.

D3iv4Br3iN m’attendait dans un coin du bar, non loin d’une porte de sortie. Je me doutais qu’il portait lui aussi un parasiteur et son apparence n’avait rien d’extraordinaire.
Un jeune homme d’une vingtaine d’année, tout au plus. Le teint mat, des yeux verts, un visage duquel se reflétait une gravité qui n’était pas de son âge. Un sourire timide en me voyant approché.
Et une poignée de main légèrement fuyante, comme s’il voulait éviter le contact.

« Laissez-moi un instant »

Je le vois pianoter sur un écran tactile. Mon dérivatif audio grésille soudain. Le brouhaha me submerge avant de s’éteindre complètement. Son regard est sans équivoque. Il vient de sécuriser l’entretien.

« Comprenez que je ne peux pas m’adresser à vous sans prendre quelques précautions. Vous travaillez pour une des plus grandes chaînes du pays et cela va sans dire que certains tueraient pour avoir les informations que je vais vous dévoiler. »

A mon tour de sourire et de lui faire un clin d’œil complice.

« Merci de prendre soin de moi. Nous pouvons commencer ? »

J’aime entretenir cette dangereuse complicité avec mes indics.

« Allez-y Dee-Waan mais n’attendez pas de ma part que je vous donne des informations personnelles pour étayer votre interview. »

Nouveau sourire de ma part. Pour ainsi dire, je rayonne. Le mystère qu’il tisse autour de lui ne rendra que plus savoureux mon article.

« Comment êtes-vous devenu ce que vous êtes, D3iv4Br3iN ? »

Un instant, l’image virtuelle qu’il projette dans mon implant, troublant ma vue, se brouille, puis reprend de sa netteté. J’en viens à penser que je parle à un hologramme. Pourtant, je lui ai serré la main.
Il inspire profondément et débute d’une voix posée, presque monocorde.

« J’avais 19 ans lorsque nous avons retrouvé mon frère errant dans les rues, le regard vide, incapable d’articuler un seul mot. J’ai mis un mois à comprendre qu’il faisait partie de ces plongeurs qui n’hésitaient pas à pénétrer le réseau des réseaux où les megacorporations stockent leurs projets les plus pourris. Mais j’admets que cela puisse t’échapper quelque peu puisque tu fais partie des intégrés et même si tu as bypassé parfois ton implant pour t’adonner à quelques menus péchés, tu as du rester jusqu’à maintenant assez souvent dans le rang. »

Le tutoiement ne m’a pas échappé: il est rentré dans l’intime. Son regard est scrutateur, semble lire en moi et m’inquiète légèrement. Effectivement, il a raison. L’implant, je l’ai étudié et je sais comment m’en déconnecter ponctuellement. Je sais également qu’il ne faut pas le laisser offline trop longtemps de peur d’alerter le comité de sécurité. Trop de manquement et c’est le centre de reconditionnement et je préfère oublier cette passade de jeunesse. J’en fais encore des cauchemars actuellement.

D3iv4Br3iN remarque mon trouble et soupire, avant de continuer sur un ton qui se veut plus rassurant.

« J’ai enquêté sur toi avant d’accepter cette interview mais ne t’inquiète pas, je n’ai rien de trop lourd à balancer sur toi aux autorités. Vois juste cela comme une garantie de ma sécurité. De toute façon, tu te doutais bien que je ne t’aurais pas rencontré sans quelques certitudes. Tu as enquêté sur toutes les affaires un peu louches des megacorporations et s’ils te laissent encore en place, c’est que tu n’en sais jamais trop sur leurs projets et surtout que tu sers de soupape de sécurité pour les différents conspirationistes qui n’ont toujours pas décidé de se mettre en action contre ces machines à broyer les libertés individuelles… »

Là dans un sens, il me blesse.
Comparer ma carrière de brillant reporter de conspiration a un vulgaire défouloir pour geeks en mal d’histoires farfelues, voilà qui agace légèrement mon ego.
Mais passons, je ravale mon indignation et le recadre poliment dans le sujet .

« Vous parliez de ces plongeurs ? En êtes-vous un ? »

Ma question se veut innocente mais je sais pertinemment qu’ils sont nombreux à se vanter d’avoir pénétrer les réseaux cachés de ces megacorporations et d’en être sortis indemnes.

« Tout comme mon frère. Disons que c’est lui qui m’a donné cette vocation car je voulais savoir ce qui lui était arrivé. Tu t’en doutes, je n’ai jamais pu le guérir de cette apathie dans laquelle on l’avait plongé. Il a même fini par se suicider. Je basculais dans le monde underground à ce moment là et je commençai à bidouiller mon implant. »

Je me focalisais dessus, plus par curiosité que par véritable nécessité. Un implant classique, pas plus grand qu’une pièce de monnaie avec néanmoins une micropuce greffée dessus.
Un sourire satisfait sur ses lèvres lorsqu’il capte mon regard interrogatif.

« Une petite amélioration de mon cru qui me permet de me protéger d’autant plus facilement des sentinelles. D’ailleurs, n’est ce pas de cela dont nous devions parler lorsque j’ai accepté cette interview ? »

S’il y a bien une chose qui m’agace, c’est que mon interlocuteur décide de mener la conversation en posant les questions à ma place.
Il avait néanmoins raison et je voyais l’heure tourner. Un quart d’heure, voilà ce qu’il m’avait accordé et le temps était déjà à moitié écoulé.

« Les sentinelles, c’est un projet développé par PharmaCorp. Des lignes de codes malveillantes, des programmes pilotés à distance par des administrateurs système à la vacuité morale évidente.
Cette version 1.0 n’avait rien de vraiment létales pour tout hacker capable de se protéger correctement. Quelques programmes déflecteurs, éventuellement un brise-sentinelle, et le tour est joué.
Seul un groupe massif de sentinelles peut se révéler vraiment dangereux. »

Les questions me brûlent les lèvres, je l’interromps, le regard avide de réponses :

« En quoi sont-elles dangereuses pour vous ? »

Un rire, puis il se penche vers moi et effleure mon implant. Soudain, je me sens paralysé des pieds à la tête, incapable de parler, de bouger, ne serait ce que le petit doigt.

« Du body hack, voilà ce qu’elles font. L’admin système utilise du code malveillant pour corrompre le système d’exploitation de ton implant. Puis, c’est prise de contrôle à distance avec un accès direct à ton cerveau. Le code des sentinelles vise à utiliser tes pires souvenirs contre toi afin de te réduire à l’état de légume une fois les protections de ton implant ouvertes. Cela va sans dire que pour des hackers débutants, c’est la garantie d’un aller simple vers le néant. Effacer des gens de la sorte n’a rien d’éthique surtout pour protéger des projets on ne peut plus douteux. »

Il claque des doigts et son emprise se relâche d’un coup. Il soupire à nouveau et d’un ton d’où filtre une étrange mélancolie, il continue.

« Tu as du entendre parler de l’incident A ? »

J’opine de la tête. Les megacorporations ont attribué cela à une attaque terroriste visant à détruire l’infrastructure réseau permettant la connexion des implants au réseau.
Un tel acte, s’il avait été mené à son terme, aurait provoqué un véritable crash économique et sans doute de nombreuses morts.

« Tu as eu la version corporatiste. Ecoute donc ce qui s’est passé véritablement. Une amie, Alice, accompagnée de son partenaire, Ji, se sont introduits au sein du département recherche et développement de PharmaCorp pour découvrir qu’un projet utilisant des êtres humains était menée en secret. Son but : la mise en place d’un système de surveillance généralisé bien plus intrusif, basé directement sur ton cortex cérébral. Plus aucun bypass possible, plus aucune bulle d’air pour s’échapper. Heureusement, ils ont tout fait sauter en faisant le sacrifice de leur vie. »

Il le voit, mon regard manifeste une profonde incrédulité, voire un certain scepticisme. Il continue pourtant. L’heure tourne et il n’est pas question pour lui de se faire attraper.

« Les sentinelles sont devenues folles suite à ce sabotage et PharmaCorp a du les retirer de toute urgence. N’est ce pas surprenant qu’elles soient réapparues à peine un an après l’intrusion et la destruction du projet ? »

Effectivement, j’avais entendu des experts en sécurité parler de ce retrait en masse des logiciels antivirus de PharmaCorp, mettant en cause des failles zéro-day découvertes.

« Nous ne savons pas vraiment ce qui se trame mais ce qui est certain, c’est que ce ne sont plus des admin systèmes qui pilotent ces sentinelles 2.0. Elles sont vicieuses, capables d’apprentissage et ont abattu déjà nombre de hackers. Leur modus operandi est incompréhensible ne ressemble en rien à celui de leurs aïeules. Elles utilisent un mode d’intrusion dans l’implant basé sur la propagation virale. Et ce n’est pas uniquement le cerveau qu’elles visent mais également le corps en le saturant au point de le rendre malade et très contagieux pour son entourage. Sauf que cela, PharmaCorp le nie. »

J’avais entendu parler de ce type d’incident. Deux semaines que mes collègues parlent de mystérieuses pandémies. Les plus farfelus évoquent des invasions de zombies.
Les journalistes seraient capables de n’importe quoi pour faire de l’audience.

Le regard de D3iv4Br3iN se fait soudain lointain.

« Je dois y aller. Sinon, je risque de me faire repérer et j’ai encore beaucoup trop de choses à faire. »

Il me tend un holocube et ajoute avant de se fondre dans le décor :

« Voici quelques preuves holographiques qui devraient finir de te convaincre. Fais attention. A plusieurs reprises, certaines de ces sentinelles 2.0 ont tenté de pénétrer sur notre réseau privé par des portes dérobées. Elles apprennent bien trop vite et je te conseille de sécuriser ta mémoire dans un endroit auquel elles ne pourront pas accéder. C’est sans doute le pire cataclysme engendré par l’humanité depuis les armes biologiques… »

Je me saisis du minuscule objet et le fourre dans ma poche. Il a disparu, je suis seul dans les bas-quartiers. La nuit est tombée. Les rires, les cris résonnent de toute part. J’ai un peu froid.
Je marche vite pour sortir de ce marasme. Je ne remarque que je saigne qu’au dernier moment, au détour d’une rue trop silencieuse. Je m’écroule, incapable de comprendre ce qui m’est arrivé.
Je retire ma veste et je constate avec horreur que mon bras a commencé à pourrir et que du sang s’en écoule sans discontinuer. L’inconscience me guette et je sombre…

Continuez l’immersion avec Contagion !