Ce qui devait n’être qu’une très courte trilogie de textes débutée par Aliaci, suivi par Aliane puis par Aliaco va se révèler finalement plus longue que prévue et j’espère que vous prendrez autant de plaisir à découvrir ces personnages que j’ai à les tisser et à les faire vivre par mon écriture!
Bonne lecture!
IV. Son regard a quelque chose d’égaré, il tire anxieusement sur sa cigarette jusqu’à ce qu’il le voit franchir la porte. Mélange d’émotions, de contrariétés lorsqu’il l’interpelle. Le ton est véhément, contient à peine la violence qu’il s’apprête à déverser sur le jeune homme devant lui.
« Pourquoi tu as tout balancé, qu’est ce que ça t’apporte ? »
Voix saccadée, respiration sifflante, l’angoisse personnifiée car il sait qu’il ne s’en sortira peut être pas.
Ils savent, à présent, et cette administration qui devait le protéger va sans doute le lâcher ainsi que tous ses camarades.
L’autre le regarde éberlué, désarçonné par la question, vaguement inquiet également et hésitant quant à la réponse à donner.
Ses mots au début bredouillés prennent une force toute particulière à mesure que sa voix gagne en profondeur et en dureté :
« Par justice. Vous trichiez, vous ne jouiez pas dans les règles du jeu et même si nous étions une minorité à être « clean », cela ne voulait pas dire que nous devions nous taire. »
La réponse ne lui plait pas, l’agace, il se brûle les doigts, il ne s’est pas rendu compte que sa cigarette n’était plus que mégôt. Il la jette rageusement, fouille dans sa poche, en allume une autre. Il se prépare à asséner une de ces vérités dont il a le secret, qu’il s’est forgé pour dissimuler sa stupidité au monde, son incapacité à comprendre les réactions des autres.
Son ton est menaçant.
« Tu sais qu’ils vont te mener la vie dure, que tes études ne vont pas se finir aussi bien que tu pourrais l’espérer. Tu as eu tort, tu vas le regretter. »
Un instant, le doute, la peur passent dans le regard de l’autre. Il se réjouit de l’impact de sa menace mais ravale sa joie lorsqu’il constate que l’autre se rebiffe, la hargne au cœur, la colère dans la voix :
« Je n’ai pas besoin de vous. Je ne fais pas partie de votre groupe et je peux bien me démerder tout seul comme je le fais depuis un an et demi. Menace-moi tant que tu le désires. »
L’autre s’avance, ne se démonte pas.
« Dégage du passage, j’ai autre chose à faire que de parler avec toi ! »
Le fumeur fait un pas en arrière. Il sent l’agressivité, craint de s’en prendre une, laisse l’autre s’en aller.
L’aigreur suinte lorsqu’il lui balance dans le dos :
« Tu ne peux pas t’en sortir tout seul, tu auras besoin du groupe. T’es qu’un abruti ! »
L’autre ne répond même pas, monte dans sa voiture, claque la portière et sent cette violence pulser dans ses veines, les tempes vibrantes, le goût du sang dans la bouche, l’envie d’y retourner pour le défoncer, laisser libre court à cette agressivité qu’il réfrène depuis trop longtemps au sein de ce groupe superficiel.
Pourquoi a-t-il osé faire cela ?
Nourrie par la justice ?
Sans doute, mais surtout poussé et manipulé par des camarades qui croyaient en son combat mais qui l’ont abandonné dès qu’il s’est lancé. Amertume. Il est seul, il l’a toujours été, s’est trompé en croyant à une certaine confiance, une complicité possible dans le combat.
Perdu dans ses pensées, il n’aperçoit qu’au dernier moment la femme qui traverse la route, en pleine nuit, alors que le couvre-feu est déjà en place.
Il freine tout ce qu’il peut. Mais c’est trop tard, la voiture la renverse.
La collision est impressionnante, la voiture est pliée, il est éjecté à travers le pare-brise. Ses derniers souvenirs sont cette femme, penchée sur lui, le visage blanc étrangement lumineux, inquiète…
…
Aliaco secoue la tête, chasse ce souvenir et se surprend à repenser ainsi au passé, à sa rencontre incongrue avec Aliane ce soir qui avait changé sa vie. Le tunnel de lumière qu’il vient d’emprunter semble interminable. La femme qu’il suivait a disparu depuis longtemps et il se demande avec une certaine anxiété quand il va parvenir à destination.
Depuis quelques minutes, des hurlements se font entendre, lui vrillent l’âme à travers l’obsidienne et en même temps résonnent d’une manière bien particulière. Depuis sa transformation, il ne s’était senti à aucun moment à sa place et là pour la première fois, c’est comme un retour à la maison, ce qu’il est devenu vibre au grès de cette souffrance, lui transmet force et puissance.
Le contact avec le sol est violent, il s’écroule terrassé par la chute. Les ténèbres absolues et aucune trace de sa guide.
Volatilisée.
Les yeux d’Aliaco s’habituent peu à peu à l’obscurité et il remarque que la voûte céleste est recouverte d’une sorte de voile mouvant, presque vivant qui s’agite au grès des vibrations de souffrance qui émanent de tous les pores de cette planète dévastée.
La terre est aride, stérile et ne vomit que mort et putréfaction. Des créatures invisibles flottent dans l’éther, frôlent Aliaco, murmurent des promesses de grandeur, tentent de rentrer dans son corps minéral mais sont systématiquement rejetées. Colère, frustration et haine s’amalgament autour de lui jusqu’à un de ces esprits poussent un cri de victoire. De ce qu’il ressent, Aliaco comprend qu’ils ont trouvé une victime.
Il s’élance dans la direction suivie par les créatures et aperçoit la femme qui a ouvert le portail. Elle erre, nue, frissonnante dans la steppe battue par les vents. Nulle habitation à l’horizon, quelques buttes tout au plus mais rien lui permettant de s’assoupir, de trouver un peu de répit dans cet enfer sur terre.
Aliaco ressent soudain toute la malignité des créatures qui s’élancent autour d’elle. La femme les a sentis et le golem comprend qu’elle détient des pouvoirs sur le monde de l’invisible. Sa volonté est forte mais pas suffisante pour repousser tous ses assaillants. L’un d’eux parvient à forcer le passage et investit violemment son corps. La mutation est immédiate. La femme se renverse, terrassée. Son corps prend une couleur sombre et sa peau est agitée de frissons. Ses os se disloquent, sont remodelés et ses yeux pleurent des larmes de sang. Dans son dos des ailes d’os poussent depuis ses omoplates. Elle hurle, cri psychique qui chasse les autres esprits, charme le golem et l’attire vers cette créature inhumaine…
Aliaco, captivé par la scène abominable, ne se rend même pas compte qu’il est observé.
Jaillissant de trous dans le sol, quatre silhouettes les encerclent tous les deux. Détail saisissant, leur visage est dissimulé par un masque lisse, miroir de leur âme. Aliaco ne se reflète pas. En revanche, ce qu’il contemple dans le reflet de la femme possédée l’effraie profondément.
Un ange, tout ce qu’il y a de magnifique mais avec un regard imprégné d’une perversité infernale. Une âme corrompue dédiée à des supplices monstrueux, à des vices innommables…
Pour la première fois, le golem ressent la terreur et lorsqu’une étrange mélopée chuintante s’élève. Pour la première fois depuis son changement, il sent son âme glisser lentement vers l’inconscient. Un rêve qui le guide dans les bras froids d’Aliane, ses lèvres vibrent doucement sous les caresses de ces baisers d’albâtre, la pierre froide ravive sa vigueur endormie, extase profonde de s’unir avec cette créature minérale dans des étreintes à la fois tendres et profondément sauvages. Sensualité déviante qui l’entraîne vers sa fin… ou son éveil…
IV. Son regard a quelque chose d’égaré, il tire anxieusement sur sa cigarette jusqu’à ce qu’il le voit franchir la porte. Mélange d’émotions, de contrariétés lorsqu’il l’interpelle. Le ton est véhément, contient à peine la violence qu’il s’apprête à déverser sur le jeune homme devant lui.
« Pourquoi tu as tout balancé, qu’est ce que ça t’apporte ? »
Voix saccadée, respiration sifflante, l’angoisse personnifiée car il sait qu’il ne s’en sortira peut être pas. Ils savent à présent et cette administration qui devait le protéger va sans doute le lâcher ainsi que tous ses camarades.
L’autre le regarde éberlué, désarçonné par la question, vaguement inquiet également et hésitant quant à la réponse à donner.
Ses mots au début hésitants prennent une force toute particulière dans sa voix profonde et dure :
« Par justice. Vous trichiez, vous ne jouiez pas dans les règles du jeu et même si nous étions une minorité à être « clean », cela ne voulait pas dire que nous devions nous taire. »
La réponse ne lui plait pas, l’agace, il se brûle les doigts, il ne s’est pas rendu compte que sa cigarette n’était plus que mégôt. Il la jette rageusement, fouille dans sa poche, en allume une autre. Il se prépare à asséner une de ces vérités dont il a le secret, qu’il s’est forgé pour dissimuler sa stupidité au monde, son incapacité à comprendre les réactions des autres.
Son ton est menaçant.
« Tu sais qu’ils vont te mener la vie dure, que tes études ne vont pas se finir aussi bien que tu pourrais l’espérer. Tu as eu tort, tu vas le regretter. »
Un instant, le doute, la peur passent dans le regard de l’autre. Il se réjouit de l’impact de sa menace mais ravise sa joie lorsqu’il constate que l’autre se rebiffe, la hargne au cœur, la colère dans la voix :
« Je n’ai pas besoin de vous. Je ne fais pas partie de votre groupe et je peux bien me démerder tout seul comme je le fais depuis un an et demi. Menace-moi tant que tu le désires. »
L’autre s’avance, ne se démonte pas.
« Dégage du passage, j’ai autre chose à faire que de parler avec toi ! »
Le fumeur fait un pas en arrière. Il sent l’agressivité, craint de s’en prendre une, laisse l’autre s’en aller.
L’aigreur suinte lorsqu’il lui balance dans le dos :
« Tu ne peux pas t’en sortir tout seul, tu auras besoin du groupe. T’es qu’un abruti ! »
L’autre ne répond même pas, monte dans sa voiture, claque la portière et sent cette violence pulser dans ses veines, les tempes vibrantes, le goût du sang dans la bouche, l’envie d’y retourner pour le défoncer, laisser libre court à cette agressivité qu’il réfrène depuis trop longtemps au sein de ce groupe superficiel.
Pourquoi a-t-il osé faire cela ?
Nourrie par la justice ?
Sans doute, poussé par des camarades qui croyaient en son combat mais qui l’ont abandonné dès qu’il s’est lancé. Amertume. Il est seul, il l’a toujours été, s’est trompé en croyant à une certaine camaraderie.
Perdu dans ses pensées, il n’aperçoit qu’au dernier moment la femme qui traverse la route, en pleine nuit, alors que le couvre-feu est déjà en place.
Il freine tout ce qu’il peut. Mais c’est trop tard, la voiture la renverse.
La collision est impressionnante, la voiture est pliée, il est éjecté à travers le pare-brise. Ses derniers souvenirs sont cette femme, penchée sur lui, le visage blanc étrangement lumineux, inquiète…
Aliaco secoue la tête, chasse ce souvenir et se surprend à repenser ainsi au passé, à sa rencontre incongrue avec Aliane ce soir qui avait changé sa vie. Le tunnel de lumière qu’il vient d’emprunter semble interminable. La femme qu’il suivait a disparu depuis longtemps et il se demande avec une certaine anxiété quand il va parvenir à destination.
Depuis quelques minutes, des hurlements se font entendre, lui vrillent l’âme à travers l’obsidienne et en même temps résonnent d’une manière bien particulière. Depuis sa transformation, il ne s’était senti à aucun moment à sa place et là pour la première fois, c’est comme un retour à la maison, ce qu’il est devenu vibre au grès de cette souffrance, lui transmet force et puissance.
Le contact avec le sol est violent, il s’écroule terrassé par la chute. Les ténèbres absolues et aucune trace de sa guide.
Volatilisée.
Les yeux d’Aliaco s’habituent peu à peu à l’obscurité et il remarque que la voûte céleste est recouverte d’une sorte de voile mouvant, presque vivant qui s’agite au grès des vibrations de souffrance qui émanent de tous les pores de cette planète dévastée.
La terre est aride, stérile et ne vomit que mort et putréfaction. Des créatures invisibles flottent dans l’éther, frôlent Aliaco, murmurent des promesses de grandeur, tentent de rentrer dans son corps minéral mais sont systématiquement rejetées. Colère, frustration et haine s’amalgament autour de lui jusqu’à un de ces esprits poussent un cri de victoire. De ce qu’il ressent, Aliaco comprend qu’ils ont trouvé une victime.
Il s’élance dans la direction suivie par les créatures et aperçoit la femme qui a ouvert le portail. Elle erre, nue, frissonnante dans la steppe battue par les vents. Nulle habitation à l’horizon, quelques buttes tout au plus mais rien lui permettant de s’assoupir, de trouver un peu de répit dans cet enfer sur terre.
Aliaco ressent soudain toute la malignité des créatures qui s’élancent autour d’elle. La femme les a sentis et le golem comprend qu’elle détient des pouvoirs sur le monde de l’invisible. Sa volonté est forte mais pas suffisante pour repousser tous ses assaillants. L’un d’eux parvient à forcer le passage et investit violemment son corps. La mutation est immédiate. La femme se renverse, terrassée. Son corps prend une couleur sombre et sa peau est agitée de frissons. Ses os se disloquent, sont remodelés et ses yeux pleurent des larmes de sang. De son dos des ailes d’os poussent des omoplates. Elle hurle, cri psychique qui chasse les autres esprits.
Aliaco, captivé par la scène abominable, ne se rend même pas compte qu’il est observé.
Jaillissant de trous dans le sol, quatre silhouettes les encerclent tous les deux. Détail saisissant, leur visage est dissimulé par un masque lisse, miroir de leur âme. Aliaco ne se reflète pas. En revanche, ce qu’il contemple dans le reflet de la femme possédée l’effraie profondément.
Un ange, tout ce qu’il y a de magnifique mais avec un regard imprégné d’une perversité infernale. Une âme corrompue dédiée à des supplices monstrueux, à des vices innommables…
Pour la première fois, le golem ressent la terreur et lorsqu’une étrange mélopée chuintante s’élève, pour la première fois depuis son changement, il sent son âme glisser lentement vers l’inconscient. Un rêve qui le guide dans les bras froids d’Aliane, ses lèvres vibrent doucement sous les caresses de ces baisers d’albâtre, la pierre froide ravive sa vigueur endormie, extase profonde de s’unir avec cette créature minérale dans des étreintes à la fois tendres et profondément sauvages. Sensualité déviante qui l’entraîne vers sa fin… ou son éveil…
La suite, c’est ici!