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Golem #5 : Réflexion

Ce qui devait n’être qu’une très courte trilogie de textes débutée par Aliaci, suivi par Aliane puis par Aliaco va se révèler finalement plus longue que prévue et j’espère que vous prendrez autant de plaisir à découvrir ces personnages que j’ai à les tisser et à les faire vivre par mon écriture!

Voici le cinquième chapitre, le précédent étant disponible ici!

Bonne lecture!

V. Sensualité dévoyée, vision perdue dans les ténèbres et plongée dans cette plaine de sable, entourée par les masques, je les vois qui s’approche de moi, me refuse cette union contre nature que j’ai acceptée, cette extase abominable avec un ange, avec un de ces esprits malins qui a rejeté la chair pour la jalouser par la suite.

Cette obscurité sensuelle me rassure, je le sens bouger en moi, se glisser jusque dans les plis les plus coupables de mes désirs. A la fois femme et homme, je ressens au plus profond de mes entrailles ces envies dévorantes, cette faim insatiable de sexualité débridée bien loin des normes dans lesquelles j’ai été élevées, bien loin des traumatismes que m’ont infligés hommes et femmes de ce monde abandonné derrière moi.

Et ce golem qui m’a suivi, source de mon avidité, mais aussi début de ma quête vers une immortalité sensuelle, vers une existence meilleure, plus en accord avec mon âme trop corrompue pour la morale de mon monde.

L’air vibre avec délice, je me réjouis de ce que les masques miroirs vont m’infliger. L’ange en moi s’agite, terrifié car il a déjà vu ce que ces chasseurs faisaient de ses pairs. J’accueille pourtant ce châtiment avec une malice toute particulière, une joie ignominieuse de subir ce à quoi j’ai toujours aspiré au plus fort de mon âme : être débarrassée de ce corps encombrant, de cette chair trop désirée, trop violentée pour finalement pouvoir m’épancher dans une véritable sensualité spirituelle bien loin des aléas charnels…

Que plus personne n’ait de prise sur moi par ce corps encombrant…

Au travers du miroir, je capte un regard avant que le jugement s’abatte, implacable, sans appel, me séparant de mon corps, réduisant mon enveloppe en poussière, arrachant l’ange pour le pulvériser, m’éjectant vers des limbes bienheureuses, un amour profond qui m’appelle et d’autres âmes ainsi sauvées, reposant entre les griffes d’un archange déchu aveugle mais infiniment miséricordieux pour ces êtres libérés…

[…]

L’explosion choque Aliaco, le projette au sol et il ne parvient pas à comprendre ce qui s’est réellement passé. L’âme de la femme a été expulsé d’une manière étrange par des lumières émanant des masques miroirs, puis plus rien. L’intrus spirituel a été abattu sans aucune concession. Aucun corps. Juste du sable qui vient s’ajouter à cette plaine poussiéreuse qui s’étend à perte de vue.
Combien d’êtres humains ont été abattu de la sorte pour que cette poussière soit aussi omniprésente ?

La gargouille d’obsidienne n’a pas vraiment le temps de s’interroger sur ce sujet. Les masques miroirs l’observent avec attention. Menace et curiosité émanent d’eux. Il est de ce type de créature qu’ils n’ont jamais vu. Le golem perçoit le doute dans leur attitude à adopter. Certains désireraient le capturer vivant pour l’étudier, d’autres sont persuadés qu’il est issu de la calamité et qu’il doit être exécuté immédiatement pour la survie de la colonie.

Le face à face semble durer des heures, jusqu’à ce que l’un des masques, plus téméraire, plus impatient que ses compagnons, déclenche l’hostilité. La lumière, vive, puissante, violente, surprend Aliaco. Elle le frappe de plein fouet. Il titube mais se brise pas, absorbe cette force et étrangement se sent investi d’une nouvelle puissance… enivrante…

Cette vague d’énergie le noie, lui fait voir des images étranges…

Un ange balafrée, les ailes brisées, il vole pourtant… ses yeux aveugles, un voile de ténèbres et des cris, nombreux, sans fin, un sommeil lourd puis plus rien, juste ce ciel étrangement vivant qui le surveille avec une terreur contenue.

Le ciel a peur de lui…

Le masque miroir qui l’a agressé est maîtrisé par ses comparses. Trois autres ont déjà encerclés Aliaco.
Une psalmodie étrange monte depuis leur masque. Une langue sourde, mélange de chuintements et de chants.

Malaise chez le golem qui, sans parvenir à saisir l’exacte signification des mots, perçoit qu’une cage mystique commence à le priver peu à peu de toute liberté de mouvement.

Cette fois-ci, aucune lumière ne filtre des masques, juste le reflet de son âme piégée dans le corps cristallin de la gargouille d’obsidienne.

Narcisse démoniaque, il se laisse entraîner par cette image de son passé, par ses élans sensuels qu’il avait toujours ressenti à l’égard des hommes comme des femmes.

Une étape de sa vie, une image de ce qu’il était avant de rencontrer Aliane. Un homme et une femme qui s’enlacent, amour profond dans leur regard, les deux sont nus, leurs mains épousent parfaitement les formes de l’autre, les caresses sont à la fois tendres et sensuelles, profondes et sauvages. Et dans un coin de la pièce, Aliaco, plus humain que jamais, attendri par la scène, attiré par cet amour, par ces âmes avec qui il a grandi, dont il jalouse quelque peu l’amour car il n’arrive pas à décider ses sentiments. Il ne devrait en aimer qu’un des deux. Son âme lui refuse ce choix. Il les désire l’un comme l’autre. Ils lui sourient tous les deux alors qu’il remarque sa présence. Aucun des deux ne s’offusque de ce regard amoureux qu’ils leur lancent. Ce n’est qu’une invitation à partager une sensualité autre…

Entre ses cuisses, il découvre une source intarissable de douceur et d’amour. Entre ses mains, il se délecte de la chaleur de ce vît dressé par les caresses qui lui sont accordées. Les corps se mêlent dans un ballet lent et majestueux. Les mains glissent, les bouches se joignent, les langues dansent et dans un cri unissant les corps et les âmes, les trois amants jouissent avant de sombrer dans une inconscience ténébreuse…

Aliaco s’éveille soudain, enchaîné dans le plus sombre des abîmes…

Golem #4: Réminiscences

Ce qui devait n’être qu’une très courte trilogie de textes débutée par Aliaci, suivi par Aliane puis par Aliaco va se révèler finalement plus longue que prévue et j’espère que vous prendrez autant de plaisir à découvrir ces personnages que j’ai à les tisser et à les faire vivre par mon écriture!

Bonne lecture!

IV. Son regard a quelque chose d’égaré, il tire anxieusement sur sa cigarette jusqu’à ce qu’il le voit franchir la porte. Mélange d’émotions, de contrariétés lorsqu’il l’interpelle. Le ton est véhément, contient à peine la violence qu’il s’apprête à déverser sur le jeune homme devant lui.

« Pourquoi tu as tout balancé, qu’est ce que ça t’apporte ? »

Voix saccadée, respiration sifflante, l’angoisse personnifiée car il sait qu’il ne s’en sortira peut être pas.
Ils savent, à présent, et cette administration qui devait le protéger va sans doute le lâcher ainsi que tous ses camarades.

L’autre le regarde éberlué, désarçonné par la question, vaguement inquiet également et hésitant quant à la réponse à donner.

Ses mots au début bredouillés prennent une force toute particulière à mesure que sa voix gagne en profondeur et en dureté :

« Par justice. Vous trichiez, vous ne jouiez pas dans les règles du jeu et même si nous étions une minorité à être « clean », cela ne voulait pas dire que nous devions nous taire. »

La réponse ne lui plait pas, l’agace, il se brûle les doigts, il ne s’est pas rendu compte que sa cigarette n’était plus que mégôt. Il la jette rageusement, fouille dans sa poche, en allume une autre. Il se prépare à asséner une de ces vérités dont il a le secret, qu’il s’est forgé pour dissimuler sa stupidité au monde, son incapacité à comprendre les réactions des autres.

Son ton est menaçant.

« Tu sais qu’ils vont te mener la vie dure, que tes études ne vont pas se finir aussi bien que tu pourrais l’espérer. Tu as eu tort, tu vas le regretter. »

Un instant, le doute, la peur passent dans le regard de l’autre. Il se réjouit de l’impact de sa menace mais ravale sa joie lorsqu’il constate que l’autre se rebiffe, la hargne au cœur, la colère dans la voix :

« Je n’ai pas besoin de vous. Je ne fais pas partie de votre groupe et je peux bien me démerder tout seul comme je le fais depuis un an et demi. Menace-moi tant que tu le désires. »

L’autre s’avance, ne se démonte pas.

« Dégage du passage, j’ai autre chose à faire que de parler avec toi ! »

Le fumeur fait un pas en arrière. Il sent l’agressivité, craint de s’en prendre une, laisse l’autre s’en aller.

L’aigreur suinte lorsqu’il lui balance dans le dos :

« Tu ne peux pas t’en sortir tout seul, tu auras besoin du groupe. T’es qu’un abruti ! »

L’autre ne répond même pas, monte dans sa voiture, claque la portière et sent cette violence pulser dans ses veines, les tempes vibrantes, le goût du sang dans la bouche, l’envie d’y retourner pour le défoncer, laisser libre court à cette agressivité qu’il réfrène depuis trop longtemps au sein de ce groupe superficiel.

Pourquoi a-t-il osé faire cela ?

Nourrie par la justice ?

Sans doute, mais surtout poussé et manipulé par des camarades qui croyaient en son combat mais qui l’ont abandonné dès qu’il s’est lancé. Amertume. Il est seul, il l’a toujours été, s’est trompé en croyant à une certaine confiance, une complicité possible dans le combat.

Perdu dans ses pensées, il n’aperçoit qu’au dernier moment la femme qui traverse la route, en pleine nuit, alors que le couvre-feu est déjà en place.

Il freine tout ce qu’il peut. Mais c’est trop tard, la voiture la renverse.

La collision est impressionnante, la voiture est pliée, il est éjecté à travers le pare-brise. Ses derniers souvenirs sont cette femme, penchée sur lui, le visage blanc étrangement lumineux, inquiète…

Aliaco secoue la tête, chasse ce souvenir et se surprend à repenser ainsi au passé, à sa rencontre incongrue avec Aliane ce soir qui avait changé sa vie. Le tunnel de lumière qu’il vient d’emprunter semble interminable. La femme qu’il suivait a disparu depuis longtemps et il se demande avec une certaine anxiété quand il va parvenir à destination.

Depuis quelques minutes, des hurlements se font entendre, lui vrillent l’âme à travers l’obsidienne et en même temps résonnent d’une manière bien particulière. Depuis sa transformation, il ne s’était senti à aucun moment à sa place et là pour la première fois, c’est comme un retour à la maison, ce qu’il est devenu vibre au grès de cette souffrance, lui transmet force et puissance.

Le contact avec le sol est violent, il s’écroule terrassé par la chute. Les ténèbres absolues et aucune trace de sa guide.

Volatilisée.

Les yeux d’Aliaco s’habituent peu à peu à l’obscurité et il remarque que la voûte céleste est recouverte d’une sorte de voile mouvant, presque vivant qui s’agite au grès des vibrations de souffrance qui émanent de tous les pores de cette planète dévastée.

La terre est aride, stérile et ne vomit que mort et putréfaction. Des créatures invisibles flottent dans l’éther, frôlent Aliaco, murmurent des promesses de grandeur, tentent de rentrer dans son corps minéral mais sont systématiquement rejetées. Colère, frustration et haine s’amalgament autour de lui jusqu’à un de ces esprits poussent un cri de victoire. De ce qu’il ressent, Aliaco comprend qu’ils ont trouvé une victime.

Il s’élance dans la direction suivie par les créatures et aperçoit la femme qui a ouvert le portail. Elle erre, nue, frissonnante dans la steppe battue par les vents. Nulle habitation à l’horizon, quelques buttes tout au plus mais rien lui permettant de s’assoupir, de trouver un peu de répit dans cet enfer sur terre.

Aliaco ressent soudain toute la malignité des créatures qui s’élancent autour d’elle. La femme les a sentis et le golem comprend qu’elle détient des pouvoirs sur le monde de l’invisible. Sa volonté est forte mais pas suffisante pour repousser tous ses assaillants. L’un d’eux parvient à forcer le passage et investit violemment son corps. La mutation est immédiate. La femme se renverse, terrassée. Son corps prend une couleur sombre et sa peau est agitée de frissons. Ses os se disloquent, sont remodelés et ses yeux pleurent des larmes de sang. Dans son dos des ailes d’os poussent depuis ses omoplates. Elle hurle, cri psychique qui chasse les autres esprits, charme le golem et l’attire vers cette créature inhumaine…

Aliaco, captivé par la scène abominable, ne se rend même pas compte qu’il est observé.

Jaillissant de trous dans le sol, quatre silhouettes les encerclent tous les deux. Détail saisissant, leur visage est dissimulé par un masque lisse, miroir de leur âme. Aliaco ne se reflète pas. En revanche, ce qu’il contemple dans le reflet de la femme possédée l’effraie profondément.

Un ange, tout ce qu’il y a de magnifique mais avec un regard imprégné d’une perversité infernale. Une âme corrompue dédiée à des supplices monstrueux, à des vices innommables…

Pour la première fois, le golem ressent la terreur et lorsqu’une étrange mélopée chuintante s’élève. Pour la première fois depuis son changement, il sent son âme glisser lentement vers l’inconscient. Un rêve qui le guide dans les bras froids d’Aliane, ses lèvres vibrent doucement sous les caresses de ces baisers d’albâtre, la pierre froide ravive sa vigueur endormie, extase profonde de s’unir avec cette créature minérale dans des étreintes à la fois tendres et profondément sauvages. Sensualité déviante qui l’entraîne vers sa fin… ou son éveil…

IV. Son regard a quelque chose d’égaré, il tire anxieusement sur sa cigarette jusqu’à ce qu’il le voit franchir la porte. Mélange d’émotions, de contrariétés lorsqu’il l’interpelle. Le ton est véhément, contient à peine la violence qu’il s’apprête à déverser sur le jeune homme devant lui.
« Pourquoi tu as tout balancé, qu’est ce que ça t’apporte ? »
Voix saccadée, respiration sifflante, l’angoisse personnifiée car il sait qu’il ne s’en sortira peut être pas. Ils savent à présent et cette administration qui devait le protéger va sans doute le lâcher ainsi que tous ses camarades.
L’autre le regarde éberlué, désarçonné par la question, vaguement inquiet également et hésitant quant à la réponse à donner.
Ses mots au début hésitants prennent une force toute particulière dans sa voix profonde et dure :
« Par justice. Vous trichiez, vous ne jouiez pas dans les règles du jeu et même si nous étions une minorité à être « clean », cela ne voulait pas dire que nous devions nous taire. »
La réponse ne lui plait pas, l’agace, il se brûle les doigts, il ne s’est pas rendu compte que sa cigarette n’était plus que mégôt. Il la jette rageusement, fouille dans sa poche, en allume une autre. Il se prépare à asséner une de ces vérités dont il a le secret, qu’il s’est forgé pour dissimuler sa stupidité au monde, son incapacité à comprendre les réactions des autres.
Son ton est menaçant.
« Tu sais qu’ils vont te mener la vie dure, que tes études ne vont pas se finir aussi bien que tu pourrais l’espérer. Tu as eu tort, tu vas le regretter. »
Un instant, le doute, la peur passent dans le regard de l’autre. Il se réjouit de l’impact de sa menace mais ravise sa joie lorsqu’il constate que l’autre se rebiffe, la hargne au cœur, la colère dans la voix :
« Je n’ai pas besoin de vous. Je ne fais pas partie de votre groupe et je peux bien me démerder tout seul comme je le fais depuis un an et demi. Menace-moi tant que tu le désires. »
L’autre s’avance, ne se démonte pas.
« Dégage du passage, j’ai autre chose à faire que de parler avec toi ! »
Le fumeur fait un pas en arrière. Il sent l’agressivité, craint de s’en prendre une, laisse l’autre s’en aller.
L’aigreur suinte lorsqu’il lui balance dans le dos :
« Tu ne peux pas t’en sortir tout seul, tu auras besoin du groupe. T’es qu’un abruti ! »
L’autre ne répond même pas, monte dans sa voiture, claque la portière et sent cette violence pulser dans ses veines, les tempes vibrantes, le goût du sang dans la bouche, l’envie d’y retourner pour le défoncer, laisser libre court à cette agressivité qu’il réfrène depuis trop longtemps au sein de ce groupe superficiel.
Pourquoi a-t-il osé faire cela ?
Nourrie par la justice ?
Sans doute, poussé par des camarades qui croyaient en son combat mais qui l’ont abandonné dès qu’il s’est lancé. Amertume. Il est seul, il l’a toujours été, s’est trompé en croyant à une certaine camaraderie.
Perdu dans ses pensées, il n’aperçoit qu’au dernier moment la femme qui traverse la route, en pleine nuit, alors que le couvre-feu est déjà en place.
Il freine tout ce qu’il peut. Mais c’est trop tard, la voiture la renverse.
La collision est impressionnante, la voiture est pliée, il est éjecté à travers le pare-brise. Ses derniers souvenirs sont cette femme, penchée sur lui, le visage blanc étrangement lumineux, inquiète…

Aliaco secoue la tête, chasse ce souvenir et se surprend à repenser ainsi au passé, à sa rencontre incongrue avec Aliane ce soir qui avait changé sa vie. Le tunnel de lumière qu’il vient d’emprunter semble interminable. La femme qu’il suivait a disparu depuis longtemps et il se demande avec une certaine anxiété quand il va parvenir à destination.

Depuis quelques minutes, des hurlements se font entendre, lui vrillent l’âme à travers l’obsidienne et en même temps résonnent d’une manière bien particulière. Depuis sa transformation, il ne s’était senti à aucun moment à sa place et là pour la première fois, c’est comme un retour à la maison, ce qu’il est devenu vibre au grès de cette souffrance, lui transmet force et puissance.
Le contact avec le sol est violent, il s’écroule terrassé par la chute. Les ténèbres absolues et aucune trace de sa guide.
Volatilisée.
Les yeux d’Aliaco s’habituent peu à peu à l’obscurité et il remarque que la voûte céleste est recouverte d’une sorte de voile mouvant, presque vivant qui s’agite au grès des vibrations de souffrance qui émanent de tous les pores de cette planète dévastée.
La terre est aride, stérile et ne vomit que mort et putréfaction. Des créatures invisibles flottent dans l’éther, frôlent Aliaco, murmurent des promesses de grandeur, tentent de rentrer dans son corps minéral mais sont systématiquement rejetées. Colère, frustration et haine s’amalgament autour de lui jusqu’à un de ces esprits poussent un cri de victoire. De ce qu’il ressent, Aliaco comprend qu’ils ont trouvé une victime.
Il s’élance dans la direction suivie par les créatures et aperçoit la femme qui a ouvert le portail. Elle erre, nue, frissonnante dans la steppe battue par les vents. Nulle habitation à l’horizon, quelques buttes tout au plus mais rien lui permettant de s’assoupir, de trouver un peu de répit dans cet enfer sur terre.
Aliaco ressent soudain toute la malignité des créatures qui s’élancent autour d’elle. La femme les a sentis et le golem comprend qu’elle détient des pouvoirs sur le monde de l’invisible. Sa volonté est forte mais pas suffisante pour repousser tous ses assaillants. L’un d’eux parvient à forcer le passage et investit violemment son corps. La mutation est immédiate. La femme se renverse, terrassée. Son corps prend une couleur sombre et sa peau est agitée de frissons. Ses os se disloquent, sont remodelés et ses yeux pleurent des larmes de sang. De son dos des ailes d’os poussent des omoplates. Elle hurle, cri psychique qui chasse les autres esprits.
Aliaco, captivé par la scène abominable, ne se rend même pas compte qu’il est observé.
Jaillissant de trous dans le sol, quatre silhouettes les encerclent tous les deux. Détail saisissant, leur visage est dissimulé par un masque lisse, miroir de leur âme. Aliaco ne se reflète pas. En revanche, ce qu’il contemple dans le reflet de la femme possédée l’effraie profondément.
Un ange, tout ce qu’il y a de magnifique mais avec un regard imprégné d’une perversité infernale. Une âme corrompue dédiée à des supplices monstrueux, à des vices innommables…
Pour la première fois, le golem ressent la terreur et lorsqu’une étrange mélopée chuintante s’élève, pour la première fois depuis son changement, il sent son âme glisser lentement vers l’inconscient. Un rêve qui le guide dans les bras froids d’Aliane, ses lèvres vibrent doucement sous les caresses de ces baisers d’albâtre, la pierre froide ravive sa vigueur endormie, extase profonde de s’unir avec cette créature minérale dans des étreintes à la fois tendres et profondément sauvages. Sensualité déviante qui l’entraîne vers sa fin… ou son éveil…

La suite, c’est ici!

Golem #3 : Aliaco

Voici venir la fin de cette courte trilogie qui va s’engager vers une histoire un peu plus longue, l’inspiration, les idées fusant et un plan bien plus large se dessinant autour de ces personnages créés il y a quinze ans au moment de l’écriture du Chat et retravaillés par ces trois textes, Aliaci, Aliane et Aliaco.

Bonne lecture et commentaires bienvenus 🙂

III. Envol audacieux depuis les abysses, la gargouille d’obsidienne plane paresseusement dans les ténèbres à la recherche d’une proie pour apaiser sa faim minérale. L’âme d’Aliaco se débat dans cette prison de pierrre, en proie aux pires souffrances depuis que celle en qui il avait toute confiance l’a trahie, lui a fait cadeau de cette malédiction qu’il l’aidait à porter de part sa présence.
Haine sourde, passion infernale, amour insatiable. Chaque victime n’est que la répétition de ce traumatisme, une chasse effrénée pour la vie, pour cette essence qui s’échappe délibérément à chaque fois.

Aliane, son visage fascinant, la froideur de son corps, tout cela, Aliaco ne parvient à l’oublier que lorsque surgit le souvenir funeste de son meurtrier, de ce monstre Aliaci…
Tout comme sa créatrice, il s’est mis à sa recherche pour lui faire payer les maux qu’il inflige à l’humanité, pour l’écarter définitivement de cette existence en lui accordant enfin le repos éternel.

Golem, voilà ce qu’il est devenu…

Une nuit, lors d’une de ses chasses, il s’était glissé dans une bibliothèque en quête de savoir. Etrangement, il se sentit guidé ce soir là vers un volume dense qu’il dévora tant le contenu était salutaire pour lui. Il comprit qu’il avait affaire à une mortelle qui en savait sûrement bien plus que les trois golems qui erraient depuis bien trop longtemps à la surface de cette planète inhospitalière. L’auteure avait réuni avec ténacité force de témoignages des passages d’Aliaci, Aliane et Aliaco, à leur insu. L’âme piégée dans la gargouille découvrait toute son histoire, les tourments de sa mère, les exactions du démon originel, jusqu’à son histoire ancienne où, mortel, il osa défier un dieu.

Golem…

Ce mot résonnait dans son corps cristallin et ne manquait pas de le troubler. Créature composite, habitée, construite par l’être humain selon les traditions d’une religion éteinte il y a fort longtemps. Un serviteur de l’humanité. Or, la réalité était bien différente mais l’auteure n’avait pas trouvé d’autres mots pour qualifier ces trois étranges monstres qui ravageaient depuis bien trop longtemps une humanité à peine consciente de leur existence. Le tome avait d’ailleurs été rangé dans une section dédiée à la science fiction et il ne faisait aucun doute que personne n’avait vraiment pris au sérieux les dires de cette chercheuse. L’ouvrage semblait à Aliaco vibrer d’une inquiétante énergie et il comprit que l’auteure avait transmis bien plus que des témoignages et des observations à travers ses écrits. Son être surnaturel faisait écho à cette vibration et il s’envola, guidé par un instinct mystérieux.

Toutes ses pensées tournaient en boucle dans sa tête lorsqu’il amorça une descente en piqué vers une résidence perdue à quelques kilomètres de la ville où il avait vécu avant sa transformation. Aucune âme qui vive, un véritable cimetière, un silence oppressant et la certitude qu’il s’apprêtait à faire une erreur monumentale. Ses griffes indestructibles crissèrent à mesure qu’il grimpait au flanc de la paroi et un son très aigu attira son oreille. Sensation d’alerte, d’urgence, d’un temps qui file trop vite et qui arrache un à un des indices précieux lui permettant de se libérer de cette condition abhorrée. Aliaco escalada d’autant plus vite jusqu’à parvenir à une verrière donnant sur une vaste salle en contrebas.

La pièce, gigantesque, abritait les pierres que l’auteure du tome avait décrites avec précision. Le fameux cercle mystique qu’Aliaci aurait emprunté avant de revenir changé. Des bougies, un cercle de flammèches entourant les pierres en son centre une femme, vraisemblablement d’une quarantaine d’années aux yeux d’Aliaco, bien que quelque chose semblait ne pas aller.  Une mélopée entêtante et celle que la gargouille avait identifiée comme l’auteure du livre balançait de manière rythmique la tête de droite à gauche tout en psalmodiant de plus en plus fort.

Une langue musicale, aux inflexions parfois emplies de colère mais qu’Aliaco ne connaissait pas. En lui, la sensation de se sentir happé, dévoré par cette magie d’une autre époque et peu à peu la compréhension qu’un portail était sur le point de s’ouvrir vers cet univers qu’Aliaci n’aurait jamais dû visiter. Une plaie vers un autre monde qui s’ouvrait progressivement, laissant filtrer des émanations de pure folie et la curiosité malsaine de la gargouille de s’engager sur ce chemin que l’invocatrice avait déjà commencé à emprunter d’un pas serein et décidé…

La suite, c’est par ici!

Golem #2: Aliane

Cette seconde partie de la trilogie initiée par les origines d’Aliaci, personnage que l’on retrouve également dans Danse avec la Mort,  s’intéresse plus particulièrement à cette jeune femme condamnée à subir le châtiment infligé par celui dont elle pensait se débarrasser par la ruse et la volonté…

A vos critiques 😉

II. L’éternité rongeait Aliane. Elle sentait le temps lui dérober ses souvenirs, la condamner à une page vide à mesure que le temps s’écoulait avec indifférence pour ce qu’elle avait aimé. Seul restait le visage maléfique et méprisant de son père surnaturel. Elle le poursuivait depuis bien trop longtemps pour être capable de l’oublier. Au point que la haine devenait ce qui la faisait avancer jour après jour sans jamais parvenir à se saisir de l’objet de cette colère insondable. Chaque fois il lui filait entre les mains, continuant à perpétrer des exactions de la pire sorte dans les villes qu’il traversait…

Elle se souvenait de cette nuit où il l’avait changé, de ces instants de pure agonie, les sensations humaines la quittant pour la condamner à porter le fardeau de la pierre loin des êtres aimés. Et cette faim qui vint la saisir de toute sa violence lorsqu’elle rentra dans sa maison. Le crime qu’elle commit, la sensation de l’âme de sa bien aimée dévorée par la pierre, les sensations, les souvenirs de son amour se mêlant avec le marbre indifférent pour venir remodeler la pierre devenue vivante. Deux jours durant, elle profita de cet éphémère don de vie entre les bras d’hommes et de femmes dont elle ne se souvint jamais avant de réaliser l’étendue de son crime. Le rire mauvais d’Aliaci ne fit que la poursuivre. Elle sentait son regard envieux à chaque fois qu’elle se repaissait pour succomber par la suite à des orgies sensuelles dont elle ressortait pantelante et coupable.

Le plaisir ressentit n’était qu’à la hauteur de la trahison de l’être aimé dont elle dérobait la vie et cette malédiction avide la torturait profondément. Aliane naviguait entre stricte maitrise de soi et abandon total jusqu’à ce soir honteux où elle s’éprit d’un homme dont l’âme scintillait d’une manière si particulière. La solitude qu’elle supportait la poussa doucement vers lui et il vit tout de suite en elle ce qu’elle était réellement. Ils cultivèrent durant des années cette relation si particulière où l’intimité de l’âme primait sur l’appel de la chair. Rien au monde n’aurait pu briser ce bonheur tant mérité. Elle avait trouvé le repos. Sa faim insatiable s’était tarie au contact de cet être exceptionnel et elle vivait chaque jour avec une passion renouvelée.

Or, cette accalmie ne devait pourtant pas durer. Un soir, un sinistre cadeau leur fut livré. Gargouille immonde aux ailes repliées, cette sculpture infernale avait d’originale que l’artiste était parvenu à tailler avec minutie l’obsidienne pour en faire une représentation de ce que l’humanité imaginait des démons. Les yeux monstrueux semblaient s’ouvrir sur les plaines désolées de l’Enfer et les ailes d’apparence chitineuse attiraient le regard du spectateur vers un environnement de ténèbres et de désespoir. Aliane et son compagnon furent subjugués par l’œuvre sans pour autant arriver à déterminer qui avait pu leur faire pareil présent.

Au plus profond du sommeil, Aliane eut sa réponse. Elle ne dormait pas, bien entendu, et ce perpétuel éveil auquel on l’avait condamné lui offrait pourtant l’occasion d’approfondir ses connaissances dans différents domaines. Ses études furent troublées par un bruit étrange provenant de la chambre à coucher de son amant.

Alerte, elle se redressa et reconnut émanant de derrière la porte une folie bien trop familière qu’elle ne pensait plus jamais croiser. Explosant la porte en mille échardes, ses yeux se posèrent avec horreur sur Aliaci penché sur son bien aimé, la nuque brisé par les griffes du monstre.

L’homme de basalte, un sourire affreux déformant son visage aux traits classiques, lui souffla avant de disparaitre dans les ténèbres :

« Son âme est encore là, ma fille. Sauve-le ou laisse-le s’éteindre misérablement… »

Aliane frissonna car elle comprenait la portée de ses mots. La vie quittait progressivement ce corps et elle pouvait sentir l’âme se détachait lentement. Aurait-elle l’égoïsme de condamner cet homme qui l’avait acceptée ?

La peur de la solitude, mauvaise conseillère, l’enjoignit à commettre l’irréparable.

Se saisissant du corps faiblissant de son aimé, elle l’emporta jusqu’à la gargouille d’obsidienne et fit ce qu’elle n’aurait jamais jusqu’à alors caresser l’idée de commettre. L’âme glissa en elle, furieuse de ce qui allait advenir. Aliane, éplorée, tenta tant bien que mal de la raisonner, sentant le marbre devenu liquide sous l’effet de l’intrusion se remodeler avant qu’elle la rejette violemment dans l’obsidienne froide et impersonnelle.

L’air vibra de ce son si caractéristique qui marqua la naissance d’Aliane et le démon obscur s’anima soudain, les ailes se dépliant dans un claquement grave et musical. La surface noire sembla s’animer d’une manière très particulière et la lumière qui s’alluma dans les yeux de la gargouille était empreinte d’une souffrance déchirante. Des larmes de cristal jaillirent des yeux terrifiés d’Aliane, celle-ci réalisant l’étendue de son péché. Le cri qui jaillit des lèvres lisses du monstre se répercuta au quatre coins de la ville et Aliane n’eut que la force de murmurer le nom de celui qu’elle aimait avant son envol dans les ténèbres : « Aliaco… »

Ce souvenir continuait de la hanter chaque nuit et ne faisait qu’alimenter les flammes de la vengeance. Aliaci tomberait, même si cela signifiait qu’elle devrait vivre cent vies avant de se suicider pour expier le crime d’avoir condamné son bien aimé à une errance éternelle et sans repos…

La suite c’est par ici!

Golem #1: Aliaci

En attendant que la série Le Néant reprenne (petite pause estivale le temps que je finisse de tout taper, la fin étant encore sous format manuscrit), je vous propose de découvrir cette mini trilogie composée après la relecture et publication de Danse avec la Mort.

Bonne lecture!

I. Avec une précision effrayante, il arracha l’âme de sa proie, s’en délectant avec une sensualité grossière. Il redécouvrait comme à chaque fois ses sensations, sentait courir en lui la puissance mais également la maîtrise parfaite de ce corps de basalte, grossier, infâme, prison pour avoir osé défier son Dieu…

Pourtant quelque chose n’allait pas comme d’habitude, il ne comprenait pas…

Aliaci était conscient du prix de son arrogance mais, ô jamais, il ne reconnaîtrait avoir commis une quelconque faute car cette malédiction ne reflétait que la peur ressentie par la divinité à son égard.

Seigneur de guerre cruel et sans scrupule, il avait bâti son empire avec le sang de sa famille, se repaissant de la souffrance et de la soumission du faible. Créature à l’esprit dérangé, au regard fou, au courage démesuré, il appréciait tout particulièrement qu’on le supplie longuement avant qu’il fasse tomber son unique sentence : la mort.

L’existence ne valait le coup d’être vécu qu’en étant le plus fort et ses ennemis le craignaient de son vivant et encore plus à présent qu’il était devenu un « vampire ».

Du moins, était-ce ainsi qu’il se nommait à qui voulait bien l’entendre même s’il n’avait jamais croisé de véritables vampires. Nourrissant sa malédiction des folklores découverts lors de ses errances, il prétendait s’abreuver du sang des vivants pour survivre.

Son corps de basalte n’avait pourtant aucun besoin de quoique ce soit et s’il dévorait des âmes, il s’agissait surtout de retrouver ses sensations perdues et surtout répandre cette terreur sourde, jouissive et représentatives de sa folie rampante et contagieuse. Sa seule présence suffisait à faire délirer les plus sensibles et des villes entières furent évacuées à sa seule approche.

Mais de vampire, il n’en avait que le nom. Aucune des faiblesses naturellement attribuées à ce monstre ne lui était connue. Aliaci ne craignait ni le soleil, ni les symboles divins ou autres armes habituellement capables de terrasser ces buveurs de sang. Cela, il l’expliquait sans mal, assurant qu’il était une espèce évoluée et indestructible.

Bien entendu, Aliaci n’avait aucun respect pour les femmes alors qu’il était encore humain, il se repaissait autant des massacres que des viols perpétrés lors de ces guerres qu’il déclenchait sans relâche.

Jusqu’au jour où ses ennemis las et acculés eurent l’audace de le provoquer au point de l’inciter à aller défier le Dieu qui régnait sur ce monde. Un seigneur de guerre aussi puissant ne pouvait qu’avoir un divin adversaire et, qui plus est, ce dieu inconstant était le seul à ne pas s’incliner devant la puissance manifeste d’Aliaci.

Le fou ne résista pas longtemps à l’appel du sang et se voyant déjà régner sur le monde, ce Dieu arrogant réclamant sa clémence à genou, il se mit en route, seul, car personne n’oserait de toute manière entravé sa quête. Aliaci était reconnu à contrecoeur par ses adversaires comme un bretteur sans égal et il aurait été difficile de trouver un être plus fou que lui pour répondre à ses défis.

Des années durant, Aliaci le fou erra, recherchant la demeure cachée de son Dieu. Ces années furent pour le peuple de ce monde un moment de paix à nul autre pareil car le monstre qui les avait plongés dans le chaos avait disparu dans sa recherche insensée.

Pourtant, il devait finalement trouver ce qui serait pour lui une éternelle prison. Au somment d’un pic solitaire, il découvrit d’étranges symboles, des stèles disposées de manière à créer un portail vers un autre univers.

Malgré son astuce, il ne parvint à déchiffrer le message qu’au bout de nombreuses années supplémentaires. Ce fut par une nuit sans lune que la solution lui parvint et le portail s’ouvrit pour lui livrer passage vers la dernière résidence de son Dieu.

Ce qu’il trouva, personne ne le sut jamais mais il en revint changé des siècles après au point que l’humanité avait oublié tout de son existence.

Enfermé dans un golem de basalte finement sculpté à l’apparence quasi-humaine, seule sa peau sombre trahissait son origine surnaturelle. Il se mouvait à une vitesse impressionnante et sa force décuplée lui permettait de se défaire de n’importe quel adversaire à mains nues. En revanche, la folie au creux de son âme n’avait fait que croître durant sa disparition. Au point que la ville d’où il avait jadis gouverné son empire plongea dans une folie furieuse à son entrée. Les simples disputes, les colères passagères, les rancoeurs, les jalousies trouvèrent un exutoire particulier dans son sillage. Véritable vivier aux plus affreuses pensées humaines, cette cité qui avait évolué en un gigantesque complexe tentaculaire où le fort se nourrissait du faible réagit de la manière attendue au retour de son ancien maître. Les autorités ne comprirent pas vraiment ce qui se passait et Aliaci découvrit qu’il pouvait causer la souffrance et le tourment autrement qu’en dominant ouvertement l’humanité.

Il en voulait pourtant à ce Dieu de l’avoir soumis de la sorte en lui retirant ses sensations humaines. Il ne jouissait plus des menus plaisirs de la vie, en souffrait profondément et se défoulait en arrachant des âmes, construisant autour de lui un culte du « vampire » pour qu’on lui offre des sacrifices.

Mais, jamais Aliaci ne prenait d’âmes de femme car il craignait que celles-ci affaiblissent sa virilité. Les femmes étaient pour lui des tentatrices qui ne méritaient aucune considération. Le seigneur de guerre des temps anciens se méfiait de cette chair qu’il regrettait pourtant car non content de l’avoir enfermé dans ce corps de basalte, son Dieu l’avait également castré de la pire manière qui soit. La sculpture présentait une particularité assez frappante : l’endroit où un vît aurait dû être ne laissait entrevoir qu’une surface lisse.

Grande frustration pour celui qui se targuait d’avoir mille enfants, tous de femmes différentes violées durant ses exactions sanguinaires.

Or, il advint qu’une femme déguisée en homme osa se glisser dans la congrégation dédiée au culte d’Aliaci. Avec elle, elle présenta une magnifique Vénus de marbre, car elle savait que le monstre avait soif d’icônes féminines avec lesquelles jouer pour assouvir sa frustration de n’être plus qu’une créature impuissante.

Le présent fit son effet au point que la jeune femme fut reçue seule dans le sanctuaire d’Aliaci. L’homme de basalte l’attendait sur son trône imposant et le feu qui brûlait sous ses paupières minérales manqua de la faire plonger dans les gouffres les plus infâmes de la folie. Le mal et les ténèbres émanaient de cette créature et elle s’ingénierait à le renvoyer à la terre qui n’aurait jamais du le vomir. Elle savait qu’aucune arme n’avait jusqu’alors réussi à défaire l’humanité de ce démon. Pourtant, elle était certaine de réussir, le sacrifice qu’elle allait réaliser libérerait la communauté mais également son amante de la menace de ce prédateur sanguinaire.

Androgyne, les cheveux courts, elle ressemblait en tout point à un jeune homme maniéré et prenant soin de lui. Elle connaissait les goûts de sa proie, le savait amateur de jeunes hommes musculeux mais fins.

Il ne comprit trop tard son malheur qu’au moment où il commença à absorber son âme. Elle entrait en lui avec toute sa conscience, ce que ses proies masculines ne pouvaient faire. Elle se glissait en lui, le remodeler, l’entraîner dans des sensations qu’il ne voulait ressentir. Ce viol lui sembla durer une éternité. La bête prise en cage par ce qu’il pensait être une simple victime. Un sang surnaturel commença à suinter de ses yeux de basalte. Ce liquide poisseux ne pouvait venir que de son âme déchirée par son étrange visiteuse.

Il ne trouva finalement qu’une seule solution et dans un râle profond, il rejeta l’âme de la jeune femme dans la statue de Venus. Le choc provoqué les projeta l’un et l’autre au sol.

Un cri déchirant d’un désespoir inhumain jaillit des lèvres de la déesse de marbre à mesure que la vie infusait la pierre.

Aliaci ricana et regarda celle qui espérait le faire chuter :

« Te voici ma sœur et à présent tous te craindront. Aliane… »

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