Parfois, il me vient des réflexions étranges.
Et d’autres fois, ces réflexions sont alimentées par une discussion avec d’autres personnes et pour le coup, (allez je te cite :P) Noda, je ne te remercie pas (en fait si ^_^ ) parce que j’ai envie de partager avec vous ces élucubrations autour du jeu de société en général. Je ne parlerais pas de jeux vidéos ou autre mmorpg même si je pense que des similitudes peuvent être trouvées en adoptant une grille de lecture similaire.
Avant toute chose, je vais débuter par un disclaimer, ne serait-ce que pour éviter les éventuels trolls qui pourraient traîner sur les Internets à la recherche d’une faille dans mon raisonnement. D’ores et déjà, c’est du vécu, tiré de mon expérience de joueur, des analyses faites à partir de faits observés qui ne sont ni scientifiques, ni basés sur une quelconque étude sourcée. Il y a sans doute du ressenti, vraisemblablement des a-priori de ma part tirés de mon propre référentiel de vie. A prendre avec des pincettes bien que l’objectif avoué soit de générer de la discussion et de ne pas rester figé sur l’idée que ce serait la très sainte vérité avec un grand V.
Vous y êtes?
Alors c’est parti.
Cette analyse se veut avant tout comme une classification des jeux pour mieux comprendre pourquoi quel typologie de joueurs/joueuses adhère plus facilement à tel ou tel jeu. De cette discussion avec mon compère Noda a jailli quatre grandes familles que j’ai eu en tête de répartir en pyramide, non pas pour dire qu’un type de jeu est meilleur qu’un autre mais plutôt pour faire une gradation dans le degré d’accessibilité du type de jeu. Vous allez comprendre.
La première famille de jeux est composé de ce qu’on appelle communément Party Games ou Apéri Games.
Cela regroupe des jeux tels que les Loup-garous de Thiercelieux, Time’s Up ou tout jeu permettant de développer un fort lien social sans avoir à se prendre la tête sur des règles complexes. Ces jeux favorisent la rejouabilité et se préoccupent moins du skill des participants que de leur plaisir à sociabiliser. Il faut le dire: les techniciens s’emmerdent souvent royalement dans ce type d’environnement car le facteur chaos est souvent omniprésent, ce qui peut parfois frustrer les plus fins stratèges. Avouons-le: ce n’est pas non plus le but de ce type de jeux qui se veulent simples de prise en main.
La seconde famille regroupe essentiellement les jeux de plateaux et ce regroupement est à mon sens plus complexes à analyser puisque certains jeux de plateau sont souvent plus simples d’accès que d’autres. Dans l’absolu, le temps demandé pour une partie de ces jeux ainsi que des règles plus complexes rendent l’accès moins aisé à la plupart et les party gamers très très occasionnels risquent de ressentir un décalage avec celles et ceux qui sont habitués des mécaniques inhérentes aux jeux de plateau. Dans ces jeux de plateau, vous allez trouver de l’améritrash à la Chaos dans le Vieux Monde (en gros, on lance des dés, on se marre, et le hasard est très présent) aussi bien que du kubenbois à l’allemande comme Agricola où le hasard est presque absent. Nous rentrons donc dans une famille bâtarde, les deux types se considérant « funs » mais souvent incompris par les party gamers purs et durs qui ont du mal à saisir l’intérêt de passer 2 à 4h autour d’une table à faire frire son cerveau.
Car il faut l’avouer, un jeu de plateau, c’est souvent une règle assez conséquente à absorber sans compter le temps demandé pour s’y mettre. Des jeux de cartes pas à collectionner rejoignent également cette catégorie comme Seasons ou encore Smash Up. Et surtout, tout jeu de plateau demande beaucoup d’heures de vol avant d’être totalement apprécié et maîtrisé, ce qui demande, vous vous en doutez, beaucoup de temps à consacrer à un jeu unique, ce que nombre de party gamers n’apprécient pas forcément, rendant leur intégration dans cet univers particulier assez complexe.
Au delà, une troisième famille assez nébuleuse existe. Je la connais bien, car j’ai commencé par là. Ce n’est pas la plus aisée à intégrer et j’avoue qu’à ce jour, je ne considère pas vraiment en faire partie. Autant ai-je intégré les aspects mécaniques, autant ai-je toujours autant de mal à admettre ses codes sociaux pour tout un tas de raisons que je vais vous expliquer dans ce paragraphe. Cette famille, ce sont les jeux de cartes à collectionner tels que Magic The Gathering, Vampire The eternal Struggle ou encore les LCG (Living Card Games) comme Warhammer: Invasion ou bien Android: Netrunner. Encore plus chronophages que les jeux de plateau et d’une accessibilité très limitée étant donné le temps demandé pour acquérir les mécanismes et les schémas mentaux nécessaires à une compréhension approfondie de l’aspect combinatoire de ces jeux, cette famille est souvent mal perçue par les party gamers comme par les joueurs de jeux de plateau. Rumeur (peut être infondée), le joueur de jeux de cartes est souvent perçu comme associal, optimisateur, avec un mauvais esprit (mauvais perdant très souvent) et capable d’un mépris assez évident pour les débutants (qu’il qualifie volontiers de noob). Il est perçu comme sectaire et se rapprocherait assez volontiers de la définition du nerd. Il y a du vrai dans ces rumeurs, malheureusement. Le joueur de jeux de cartes est un technicien, on ne peut pas lui retirer ça, et c’est souvent pour cela qu’il aime ce type de jeux, parmi les plus complexes dans les interactions. Cet aspect optimisation peut déranger certaines catégories de joueurs qui aiment avant tout jouer pour jouer sans enjeu ni pression à gagner. Vous comprendrez sans doute pourquoi un technicien peut parfois s’emmerder royalement dans un party game.
Au-delà de ça, il répond à des codes sociaux assez particuliers qui participent largement à décourager des joueurs issus des deux familles précédentes. Peut-être n’avez vous pas encore lu cet article de Mar_Lard sur la communauté geek? Si c’est le cas, lisez-le, car des comportements assez similaires se retrouvent dans cette famille de jeux rendant difficile l’accessibilité à toutes et à tous. Lisez également ce billet que j’avais pondu il y a quelques temps. Tout cela pour souligner que si les concepteurs de jeu sont parfois éminemment sexistes, ceux évoluant dans ce milieu adoptent plus ou moins consciemment ces codes sociaux et nuisent à leur passion sans s’en rendre compte. Des codes, vous vous en doutez si vous me lisez, que je rejette et qui font que je ne me considère pas vraiment intégré dans ce milieu. (Bon si j’ai pas attiré des trolls à ce stade ^_^ ).
Finissons par la dernière famille, qui constitue pour moi, la plus complexe à intégrer non pas à cause d’une forte technicité mais plutôt par le degré d’abstraction demandé aux joueurs. Il s’agit bien entendu du jeu de rôle (je ne parlerai pas des Grandeurs Natures). Ce refuge vers l’imaginaire est difficile d’accès pour plusieurs raisons. D’une part, il faut un maître du jeu, une personne qui doit se coltiner un livret de règles très conséquent, préparer un scénario et assurer pendant 4 à 8h (si ce n’est plus) l’ensemble du jeu dans lequel les personnages joueurs vont plonger. S’ajoute à cela la nécessité d’être capable de se détacher de soi pour se glisser dans la peau d’un autre personnage sans autre support physique que les mots. Et, cela il faut l’avouer, cela semble étrange pour des techniciens purs et durs qui ne jurent que par des stats, pour des joueurs de jeux de plateau habitués à avoir un contenu riche en matériel manipulable et concret ou bien des party gamers plus intéressés par du fun rapidement accessible que d’un jeu demandant une implication parfois très longue en cas de campagne prolongée comportant de nombreux scénarios.
Etrangement, la mixité décroit à mesure que l’on monte dans la pyramide, les milieux les plus hardcore se révélant remarquablement réfractaire à la présence de femmes à leur table, consciemment ou inconsciemment (ce qui est d’autant plus pervers pour déconstruire une comportement parfaitement intériorisé et considéré comme légitime pour ces joueurs).
Voilà ma vision relative à ces quatre catégories. Vous arrivez au stade où vous vous demandez pourquoi je m’attache à cette classification très partiale.
Sans doute parce que j’aime comprendre pourquoi certains jeux conviennent plus volontiers à certain type de joueurs et pourquoi d’autres sont complètement rejetés. Dans un sens, c’est une réflexion intéressante à avoir pour comprendre comment initier un nouveau joueur et identifier rapidement si ce joueur devra faire plus d’efforts dans l’apprentissage d’un jeu qui n’est pas forcément dans son référentiel ludique habituel. Adapter son langage, sa manière de transmettre pour permettre une assimilation facilitée des règles et des mécaniques.
Cette réflexion est somme toute assez modeste et comme je le disais en début de billet n’a rien d’une vérité absolue. C’est empirique, ça mérite réflexion et débat.
Qu’en pensez-vous en tant que joueur débutant, confirmé voire expert?