Cyberpunk Noir Exterior 3by ~jessicakatehollidayDesigns & Interfaces / Game Development Art / 3D Game Art / Environments & Props / Exterior

Cyberpunk Noir Exterior 3 by ~jessicakateholliday Designs & Interfaces / Game Development Art / 3D Game Art / Environments & Props / Exterior

Neuvième partie de du groupement de nouvelles débutées par Sentinelles, puis poursuivie dans l’ordre par R&D, A.I., D3iv4Br3iN, Contagion, Clone, pOrN et W.W., Virus fait le lien vers la fin imminente de cette série. Je ne pensais sans doute pas m’amuser autant dans l’univers Cyberpunk et j’espère que vous aurez pris autant de plaisir que moi à suivre cette succession d’histoires.

Bonne lecture en attendant le chapitre final!

« Veuillez connecter votre implant à l’interface ».

La machine à suicide répète inlassablement sa rengaine de cette voix métallique si agaçante.
Voilà plusieurs mois que je tourne autour de cette dernière expérience. Toujours en quête de sensations fortes jusqu’à ce que l’ennui commence à me dévorer petit à petit.
Vie trop fade, technologie trop lente, émotions mourantes.  La cabine me renvoie mon visage mal rasé dans l’écran tactile. Des yeux enfoncés, des traits amaigris, le reflet d’un être qui a perdu son travail, ses amis, sa famille, son amour simplement parce que j’en voulais toujours plus. Cette avidité m’a ravagé et entraîné dans les gouffres les plus infâmes de ce monde corrompu.
Du porn, de la prostitution, des relations homosexuelles et même de drogues numériques pour se réveiller toujours insatisfait.

Le suicide à présent, en espérant y trouver enfin le repos, le shoot ultime avant le sommeil éternel.

Lentement, presque tremblant de ce manque d’adrénaline, je raccorde mon implant à la console et je commence à insérer les données pour un suicide personnalisé.
Douloureux ?
Oui, sans hésiter, j’ai besoin de souffrir pour pouvoir expier mes fautes.
Long ?
Oui, également car je veux en avoir pour le peu d’argent qu’il me reste.
Des hallucinations ?
Avec grand plaisir. Souffrir longuement en délirant, toute expérience est sans doute bonne à prendre.
Je valide et le suicide commence enfin.

Une décharge puis deux et je me sens projeté dans le cyberespace, pris de toute part par des chocs neuraux.
La douleur vrille à travers mon cerveau. Mon corps est agité de soubresauts et des souvenirs issus de mon passé viennent me tourmenter.
Je ne peux m’empêcher de rire. L’expérience est fabuleuse. Je meurs et je suis déjà au bord de la jouissance.
Mon implant commence à grésiller et une piqûre plus désagréable que les précédentes me fait hurler de douleur.

Puis, soudain tout s’arrête et je me sens comme flottant entre deux eaux dans un réseau déserté par ses utilisateurs.
Un visage exsangue, hésitant entre le féminin et le masculin, des lèvres qui s’agitent sans qu’aucun son n’en sorte et cette créature plonge vers moi… en moi…

Le choc dans le monde virtuel se répercute dans le monde réel, arrachant ma connexion au terminal qui se met à répéter inlassablement.

« Procédure de suicide interrompu. Veuillez vous reconnecter et achever le protocole. »

Le vide et le désespoir qui m’animaient jusque là semblent avoir disparu sans que je sache pourquoi.
Je réalise avec stupeur que les chocs m’ont rendu borgne.
Mon œil droit est mort, la pupille est devenue laiteuse et la douleur irradie directement du nerf jusqu’au plus profond de mon cerveau par vague.
Je grogne et remarque que ma peau a foncé suite aux décharges électriques. Un suicide échoué…

Je me souviens alors de la décharge acceptée peu avant le début de l’opération.

« Vous vous engagez pas la présente à ne pas poursuivre PharmaCorp en cas de suicide échoué. »

Rien que l’évocation de cette corporation qui régit l’essentiel du secteur pharmaceutique me provoque des élancements dans la tête.
Je m’empresse de ressortir de la cabine à la recherche d’un cyber-chirurgien. Il me reste encore des liquidités dans un compte dissimulé en cas d’urgence.
Je sais pouvoir utiliser cet argent pour ce type de menus tracas. Je n’ai finalement plus tant envie de mourir que ça. Je ne le comprends d’ailleurs toujours pas.

Le spécialiste que je trouve m’opère presque immédiatement et me voici doté d’un œil cyber, pas très esthétique mais d’une efficacité indéniable.
Je vois à nouveau correctement. Je m’observe dans le miroir, torse nu et je détaille les dégâts de mon suicide visibles sur mon visage.
Des cicatrices et cet œil qui risque sans nul doute d’attirer les regards dans la rue.
Je me perds dans mon reflet et le miroir semble ondoyer avant de changer de forme. Ce visage que j’ai aperçu sur le réseau apparaît à nouveau.
Un regard mélancolique que vient troubler un sourire joyeux.

« Je suis toi, tu es moi, nous sommes deux… »

Je sursaute. L’image a disparu. Le miroir ne me renvoie plus que mon reflet.
Quelque peu troublé, je ressors précipitamment de la salle de bain, paie le chirurgien et me retrouve dans la rue à errer, perdu dans mes pensées.
Les enseignes lumineuses éclairent le quartier de cette lueur lugubre. J’avais pour ainsi dire épuisé toutes mes sources de crédits et je commençais sérieusement à m’inquiéter pour mon avenir.
Aucun employeur ne voudrait de moi et je me voyais mal tremper dans les trafics illégaux.
Pas assez retors, pas assez pervers, malgré mes expériences les plus extrêmes, juste un humain perdu au plus profond des paradis artificiels développés par les mégacorporations.

Un instant, je lève les yeux vers le ciel et remarque le bâtiment gigantesque de PharmaCorp au loin.
Ces corporations m’avaient toujours fasciné. Corrompues, despotiques mais immuables, elles dictent leurs lois depuis si longtemps que je ne sais même plus depuis combien de temps nous sommes devenus leurs esclaves dociles et volontaires. Un reportage d’un journaliste, Dee-Waan, parlait de multiples malversations ayant impliqué PharmaCorp dans la manipulation du code génétique de l’humanité. Mais le reportage n’expliquait pas pourquoi bien que le journaliste parle également de personnes luttant contre ces corporations en dévoilant leurs sombres petits secrets.
Bien entendu, personne ne prêtait allégation à ces divagations. Le réseau était parfaitement sécurisé et les corporations, hormis quelques montages financiers véreux, oeuvraient pour le bien de tous.

« Tu sembles en douter au fond de toi… »

Je sursaute. Je suis seul dans la rue et cette voix a résonné dans ma tête.
Ce suicide m’a atteint le cerveau. Je deviens fou. Cela devait bien finir par m’arriver après toutes les drogues que j’avais prises.

« Tu n’es pas fou, je suis en toi, tu es en moi, nous sommes deux et nous pouvons agir ensemble… »

Toujours la même formule.

« Qui êtes-vous ? »

Je balbutie cette question sans grande conviction, persuadé que je déraille complètement.
Et, toujours dans le silence de mon esprit, cette présence qui me parle.

« Je suis né sur le réseau. J’y ai vécu, je m’en suis échappé et j’y ai été torturé. »

Des images défilent soudain dans mon esprit à toute allure. Des lignes de code et une conscience qui s’échappe. Un corps féminin, nu, qui se caresse, puis des coups de feu et à nouveau des lignes de codes. Des présences malveillantes autour et des chocs douloureux. Une torture dans le monde virtuel qui dépasse toutes les souffrances possibles dans le monde physique. Puis une libération à nouveau.
Un tube, du liquide et un corps, sans implant. Un jeune homme au regard tendre, des caresses attentifs, des corps enchevêtrés et un amour infini.
Et cet homme au regard inquiétant. Une musculature fine, parfaite, un visage angélique. Aucun implant et, de ces doigts, une impulsion qui rejette la conscience hors de son corps, à nouveau dans le réseau. Puis ce garçon qui l’a aimée dans son corps mortel qui est là par un avatar. Qui se fait assaillir par des programmes malveillants avant de sauver cette créature à présent en moi…

Les images se dissipent lentement. J’ai chu à terre, terrassé par le déferlement d’émotions. Je n’étais plus habitué à ce genre de sensation.

« Comment te sens-tu ? »

La voix est emplie de sollicitude. Je sais que je ne suis pas fou mais je ne comprends pas encore complètement la nature de cette conscience. Silencieusement, je formule mes pensées.

« Je suis une aberration. Née au sein de PharmaCorp, dans leur réseau obscur, là où mes parentes sentinelles préparent lentement mais sûrement leur invasion. Je veux les arrêter mais je n’y parviendrais jamais seule. Qui plus est le prototype orchestre tout. »

Ce bel homme aux yeux emplis de colère, le premier clone. Je ne sais même pas pourquoi je pense à un clone. Cela me semble évident pourtant.

« Oui, il est le premier clone et il doit être également le dernier. Son code source est le même que le mien. Autonome, puissant et possédant une enveloppe optimisée pour accueillir et déployer ce que ses créatrices lui ont offert. »

Mes questions fusent à mesure que j’assimile les informations qu’elle m’envoie en même temps qu’elle me parle.

« Je sais comment saboter et mettre un terme à son projet. Il nous faut plonger depuis les serveurs physiques de PharmaCorp au plus prêt des sentinelles pour s’assurer qu’il n’y aura aucune interférence entre nous et le chargement du virus. M’aideras-tu ? »

Pour la première fois de ma vie, j’ai la possibilité de mêler ce shoot d’adrénaline dont je suis si friand à la possibilité de faire une bonne action.
Les données que j’ai intégrées sont sans appel : les sentinelles sont extrêmement menaçantes pour l’humanité et je doute que ce John 1.0 soit animé des plus nobles intentions.

Assentiment silencieux. Nous dérobons une aéromoto. Je découvre, d’ailleurs, que mon hôte me fournit des capacités d’intrusion assez surprenantes.
Rien que par un effleurement, le véhicule démarre et j’arrive à capter les différents codes s’exécutant au sein de la machine, les manipulant et les modifiant par la pensée, tout simplement.
La vision offerte par mon œil cyber est d’un grand secours et se révèle améliorée par ma symbiose étrange. J’anticipe les mouvements des véhicules que je double et je m’élance à pleine vitesse sur l’autoroute, esquivant avec aisance les contrôlés de police, brouillant à outrance les détecteurs des forces de sécurité.

A peine un quart d’heure plus tard, nous sommes au pied de la tour de PharmaCorp.

« Les forces de sécurité ont été renforcées depuis que j’ai abattu William Werner. »

Je stoppe soudain mon mouvement et elle perçoit ma surprise.

« Oui, je te l’avoue, c’est un souvenir que je t’ai dissimulé. Mais peu importe, ça ne l’a pas tué. Il est revenu différent et je pense qu’à l’heure qu’il est, il doit être mort, abattu par John 1.0 »

Sur le moment, je ne peux m’empêcher de lui adresser des remontrances silencieuses.

« Nous n’avons que  peu de temps. Je peux aussi bien t’abandonner si tu le désires mais ton corps ne tiendra pas longtemps vu les dégâts que tu lui as infligés. Ce ne sont pas les défaillances qui manquent et si tu te tiens debout, c’est en partie grâce à ma présence. »

Elle me tient. Et je doute qu’elle mente. Blessures à peine cicatrisées, la sensation d’avoir perdu des pans entiers de mon passé et surtout le regard abasourdi du chirurgien lorsque j’ai débarqué dans son bloc. Un cadavre ambulant qui n’aurait pas du pouvoir se relever après les multiples chocs neuraux envoyés par la machine à suicide.

Quitte à en finir, autant que ce soit avec panache.
Mon hôte m’envoie en continu des images de plan et de direction à travers mon interface visuelle. Une bouche d’aération, puis des canalisations ou encore des galeries désaffectées, PhamarCorp est un vrai gruyère et, pour qui sait où aller, il est aisé de s’infiltrer sans être vu. Les serveurs centraux sont situés au plus profond du bâtiment, enterré dans les derniers sous-sols, juste à côté du bureau de feu William Werner. Les portes à accès ultra sécurisé s’ouvrent devant nous comme par magie et il ne nous faut pas plus d’une heure pour parvenir dans cette salle gigantesque stockant l’ensemble des données sensibles de PharmaCorp.

La voix de mon hôte a des tons de regret.

« J’ai cru au départ, qu’il suffisait d’abattre un homme pour faire tomber une société. J’étais dans l’erreur… »

Elle n’a pas tort. Le système est tellement pourri qu’un monstre de moins ne permettra pas d’améliorer l’existence de milliards d’humains.
Juste une vengeance personnelle de plus dans un monde gouverné par la violence.

Je m’approche du serveur mère. Je m’y interface par mon implant et je remarque avec regret qu’il s’agit sans doute de la seule partie de mon corps qui n’a pas souffert de ma tentative avortée de suicide.
La sensation désagréable de picotement passée, je retrouve mes repères, naviguant dans le réseau obscur de PharmaCorp. Mon hôte glisse à côté de moi, dans son élément.
Devant elle, un cube contenant un code instable. Le serveur principal apparaît devant nous, cœur gigantesque, légèrement bleuté, des lignes de codes tourbillonnants dans tous les sens. Je me sens irrésistiblement attiré. Ma complice me retient avant de relâcher le cube contenant le virus directement au plus profond du serveur mère.
Les alarmes réseaux s’affolent de tout côté et les sentinelles commencent à affluer.

Sourire désespérée et tristesse dans son regard :

« C’est un aller simple pour moi. Je vais les retenir et réparer ton corps pour te donner un peu de répit. Tu dois finir ce que nous avons commencé, seul, et tu y arriveras. »

Je n’ai pas le temps de lui répondre que le lien nous unissant est brutalement coupé. Je me sens comme aspiré hors du cyberespace avant de me réveiller groggy dans la salle des serveurs.
Je ne suis que douleur et je remarque avec lassitude que je ne suis plus tout seul. Ce regard violent, ce sourire mauvais et ce visage aux traits pourtant angéliques.
C’est mon dernier souvenir avant que le poing de John 1.0 me plonge dans les abîmes de l’inconscience…

Finissez l’immersion avec Deus Ex Machina!