Voici la quatrième et dernière partie du cycle Les Ténébreuses!
Opale va vous entraîner vers une conclusion réunissant des personnages que vous avez pu croiser dans Another Vampire Story, Brume et Le Chat pour un final alliant sensualité, fantastique et ténèbres!
Le premier chapitre est ici, le second par là, le troisième ici, le quatrième là et le cinquième par ici!
Bonne lecture et n’hésitez pas à me faire part de vos critiques!
VI. Silence de la nuit, la ville endormie, ses lumières clignotantes et ses âmes qui sommeillent doucement au creux de ces ténèbres rassurantes. Ici un couple fait l’amour, là un père console sa fille qui fait un cauchemar…
A quelques pâtés de maison, une ambulance passe en hurlant, un accident de voiture, des personnes dont le sort semble bien incertain.
Quelques mètres plus loin une vieille femme meurt seule dans son appartement trop grand pour elle. Les forts, les faibles, les fortunés, les pauvres s’éteignent un à un, une ombre passe en planant doucement au dessus de ces habitations envahies par une glace mortelle.
Des ailes d’ébène, un visage déformé par la rage, des traits classiques, magnifiques mais défigurés par d’atroces balafres. Des yeux aveugles qui voient au-delà de la chair, par delà les esprits, sondant les cœurs à la recherche du vertueux.
Il ne trouve rien. Sa frustration est intense, sa colère démesurée, sa soif de détruire insatiable mais tendre. La mort est douce, les êtres humains de cette petite ville s’endorment les uns après les autres, oubli doucereux d’une vie construite sur le sacrifice, la souffrance. Apaisement ultime. Le déchu à la puissance divine se repaît de cette paix ultime, de ce moment d’abandon final. Aucune peur ne vient troubler ce repos éternel, les âmes quittent leur prison de chair, s’envolent vers cette planète ravagée pour être déchirées par son gardien ou parvenir à survivre et à se renforcer.
Aucun dieu pour les accueillir, ni paradis, ni enfer, juste une triste réalité dissimulée au plus grand nombre par des cultes fanatiques et avides de pouvoir.
L’ange sourit et plonge dans les abîmes de sa folie…
…
Le Chat s’avance avec assurance vers le maître de la Brume, vers ce masque honni, terrifiant, dont il ressent la puissance perverse. L’incube décadent l’observe avec intérêt, détaille ses traits étranges, mélange fascinant d’un visage humain et félin. Une lune noire luit sur sa joue droite.
Opale, le souffle coupé, retient sa rage, sa colère profonde, son envie de détruire ce masque qui lui a volé sa mère et son amante, son amour qui s’est brisé cette nuit de froid désespoir.
Le vampire, quant à lui, tremble, incapable de parvenir à gérer les deux forces qui se précipitent en lui, L’enivrant appel de Lilith et la soumission abjecte de la Brume par ce sang vicié qui court en lui…
A quelques pas de cet étrange groupe, un puits profond, insondable, caché aux yeux des mortels au fond d’un lac de ténèbres, laissé à l’abandon car trop dangereux. De temps à autre, des anges déchus parviennent à s’en extirper. Les démons veillent à ce que ceux-ci soient immédiatement détruits afin de garder leur pouvoir illusoire sur le monde des humains.
Ce soir, un bouleversement est en marche et le Chat ose briser le silence pesant qui s’est établi entre ces quatre individus. Son visage est empreint de tristesse, sinon de mélancolie et aucune agressivité ne transparaît dans sa voix vibrante d’une sincère émotion.
Son regard oscille de l’incube corrompu au vampire torturé, caressant l’un et l’autre de cette bonté qu’il ne croyait plus jamais ressentir.
« Mes frères, nous sommes si différents et si semblables. Nos épreuves ont été différentes mais la souffrance a été la même. Nous avons aimé des femmes qui nous ont oubliés, qui nous ont abandonnés, pour certaines qui se sont servies de nous car elles avaient peur d’elles même, de leur capacité à changer le monde.
Dans les ténèbres, nous avons pleuré, nous avons conjuré les forces infernales pour qu’elles prennent notre âme, la déchirent, et nous abattent de leur chaleur démoniaque. Pour certains d’entre nous, la déchéance a semblé par instant comme un acte salvateur mais nous avons compris bien trop tard que ce n’était qu’une fuite en avant. Nous avons aimé comme jamais, notre âme s’est consumée car c’est cette chance que Lilith nous a donnée et en nous réunissant ici, elle espère que nous avons compris ce qu’elle ressentit. Elle aime cette créature emprisonnée, cet ange déchu à tort par un dieu qui nous a tous abandonnés. Sa fille, Opale, nous a cherchée de tout temps, persuadée que nous pouvions comprendre la grande œuvre de la sombre mère, cette libération de l’humanité, notre capacité à faire fi de cette colère qui nous brise un peu plus tous les jours.
Clé et serrure au service d’une renaissance d’un monde que nous ne voulons plus détruire… »
Avec tendresse, le Chat tend sa main vers le vampire, l’aidant à se relever, à se redresser au nom d’une cause qui le dépasse sûrement mais pour lequel il désire se sacrifier. Parce qu’il a aimé Jessica, parce qu’il l’a tuée en pensant pouvoir se débarrasser de sa souffrance, de cette dépendance qui le tirait vers les ténèbres et l’autodestruction. Erreur, errance et désespoir jusqu’à l’arrivée de cet étrange prédicateur aux traits recelant un mystère insondable.
La Brume s’agite, le masque luit d’une lumière étrange et Opale n’a pas le temps de réagir. Des tentacules de ténèbres surgissent, empalant sans autre forme de procès le Chat et le vampire. L’incube glousse avec perversité. Emanation de haine pure, il refuse de se soumettre au diktat de Lilith. Le masque soutient sa colère, l’alimente de manière pernicieuse et Opale, brisée, voit le rêve de revoir sa bien aimée exploser en mille morceaux.
Les deux cadavres sont déchiquetés, éparpillés et dispersés dans le puits du néant. Le masque jubile. L’œuvre divine est accomplie. La tâche confiée par Dieu achevée et l’humanité sera punie prochainement pour avoir désobéi. Aucun être déchu, quel qu’il soit ne viendra sauver ce monde corrompu par Lilith.
Les larmes d’Opale sont de sang, sa rage croit crescendo, tant pour elle que pour le maître de l’Ordre dont elle désire la tête, assouvir sa vengeance, laisser l’amour disparaître pour devenir une créature de pure haine dédiée uniquement au massacre puisqu’elle ne peut plus rien espérer de ce monde dévoyé laissé à la domination d’un artefact divin vicié.
L’incube s’apprête à encaisser le premier assaut lorsqu’un bruit étrange provient du puits du néant. Des grattements, comme si quelque chose en émergeait. Sans nul doute un ange mineur attiré par le fracas provoqué par cette rencontre attendue de tout temps. Le masque n’y prête guère attention, focalisé sur cette soif de sang, sur ce désir profond d’en finir définitivement avec la lignée de la sombre mère en enterrant cette Opale bien irrespectueuse.
Erreur ultime… Des ailes de ténèbres, des yeux aveugles et des relents de haine, teintés d’une joie malsaine d’être enfin libéré. Une griffe surgit, transperce l’incube, le masque se fissure, la stupeur se lit sur le visage du démon hôte alors que son corps est brisé par le premier des déchus. L’étoile du matin est voilée de crépuscule, sa flamme jadis rayonnante n’est plus qu’un feu noir alimenté par la revanche à l’égard de Lilith et de son engeance.
Opale tremble devant l’avènement de ce dieu démoniaque et monstrueux. Sa mère s’est trompée : aucun amour n’émane de cette créature. La séquestration et le viol commis par sa bien aimée n’ont jamais été perçu comme un acte d’amour. Les éons n’ont fait que conforter cet enfant de Dieu dans la haine et la destruction.
Prenant son essor, il dévaste la zone. Tétanisée, abattue et résignée, Opale se laisse emporter et mourir dans cette explosion de rage. Dans ses derniers instants, elle entrevoit le visage souriant de Lilith, rêve de la sentir à nouveau tout contre elle, la caressant de ses mains fines et tendres. Elle s’éteint lentement, le puits du néant s’élargit et les anges déchus en émergent, nuée monstrueuse, affamée, déferlant sur le monde des humains.
Le premier d’entre eux s’élève dans la nuit silencieuse, l’humanité ignorante que sa fin approche dans la chaleur bien trop rassurante du sommeil…