Cyberpunk_Virus_by_DarK_Tox1c

Cyberpunk Virus
by ~DarK-Tox1c
Digital Art / Other / Sci-Fi

Dystopie et cyberpunk continuent de se conjuguer dans cette suite d’Android au coeur d’Europa, cité monstrueuse administrée par des modérateurs centraux omniprésents.
Nouvelle plongée en apnée vers de sombres secrets présidant à la création de ce monde dystopique où l’être humain n’a plus vraiment d’espoir d’avenir. Cette fois-ci, c’est la seconde partie de Vermilion, chanson du groupe Slipknot qui m’a inspiré.
C’est un mélange subtil d’émotions contradictoires qui demeurent dans cette composition, parfaite illustration de la folie qui gagne les personnages…

Bonne lecture 🙂 

Le désir n’a jamais été qu’une question de zéro et de un et ce depuis la nuit des temps.
Pourtant, vous trouverez toujours des personnes pour vous abreuver des mêmes poncifs sur l’amour, la communication, l’union du couple envers et contre tous.
Ce discours particulièrement nauséeux nous vient d’avant l’incident E.V.E. et depuis les modérateurs centraux continuent de le diffuser sur le réseau pour maintenir la façade de leur société déliquescente.

Europa s’écroule et moi avec nuit après nuit depuis que des voix ont commencé à monter des bas-fonds de la cité.
Certaines parlent de monstres terrifiants, d’autres de purges incessantes et les modérateurs continuent de se succéder dans mon lit tous plus dépressifs les uns que les autres.

Sensualité, érotisme, pornographie et que sais-je encore, autant de manière d’approcher la sexualité que le système de modération centrale a banni.
Tout simplement parce des êtres humains qui aiment, désirent, rêvent et espèrent sont des masses dangereuses.
Pourtant, mon commerce a fleuri, s’est développé en marge depuis mon infection avec la bénédiction officieuse de mes clients.
Des modérateurs centraux essentiellement, désespérés par le système qu’ils ont créé, désireux de s’évader entre mes bras, loin de cette réalité assommante, trop bien aseptisée.
Parfois d’autres infectés également parce qu’eux ont compris à quel point il est délicieux de se laisser aller dans le code pour mieux en jouir.

La jouissance… cette quête effrénée d’avant la catastrophe.
Des spécialistes, des sexologues de leur titre pompeux, parlaient de la cérébralité de l’être humain, de sa capacité à transcender la bête en lui pour mieux s’abandonner dans une vision éthérée de la sexualité…

Des fous, tout au plus des frustrés qui n’ont jamais connu le vrai abandon, le plus vil, celui qui vous laisse pantelant à moitié inconscient dans le caniveau bien loin de toute retenue parce que ce plaisir que nous avons ne peut être que mécanique.

Depuis mon infection, je ne fais que masturber le code et je ne vois entre mes mains que des créatures aux désirs sombres, aux plaisirs infects bien loins de cette moralité pure et délicate.
Ils aiment jouir de la manière la plus abjecte et je manipule la montée de leur plaisir avec minutie, jouant de leur orgasme avec la sincérité d’un soliste dans un orchestre.

Gestes mesurés, code décomposé, décortiqué puis recompiler sous mes mains expertes, ma vue acérée et mes caresses émérites.
De la mécanique et de la technique, des compétences rares dont les modérateurs ne peuvent plus se passer pour oublier l’aberration de leur existence.

Je me reflète dans leurs yeux d’une manière inepte et inquiétante.
Des yeux incolores, des cheveux ternes et une bouche déformée par l’aigreur et le manque d’estime de soi. Ni homme, ni femme mais une créature intermédiaire.
A peine achevée, ni citoyen, ni esclave, je ne me souviens de mon éveil qu’entre les mains d’hommes et de femmes venus épancher leur sensualité perverse en moi.

Un trou noir complet au sein duquel je me suis perdu par peur de découvrir qui j’étais.

Et cette absence de jouissance, de plaisir à vivre et à exister autrement que pour maîtriser le plaisir d’autrui, de le voir perdre le contrôle, visage déformé par l’orgasme, corps secoué par les soubresauts avant coureur de la jouissance.

Pour certains, je suis homme, pour d’autres femme, le code m’offrant la fluidité du genre pour l’épanouissement total de mes clients.
Ils savent si bien me trouver et s’abandonner entre mes zéros et mes uns, me dévoilant leur secret les uns après les autres. Je les connais bien mieux qu’ils ne pourront jamais se connaître eux-mêmes et aucun d’eux n’ose lever le petit doigt contre moi de peur de subir l’opprobre par leurs collègues.

Le plus beau système de surveillance jamais inventé où les surveillants se surveillent eux-mêmes.

Et cette peur venue d’en-dessous qui ne cesse de tourner dans leur esprit depuis quelques semaines.
La chute vient d’en bas : voilà ce que me murmurent leurs pensées désordonnées et angoissées avec un nom qui revient à longueur de temps : Jack Spencer.

Je le connaissais de réputation  mais je ne l’avais jamais vu avant cette soirée bien particulière.

J’aurais presque pu l’aimer. Un code lisse, délicat, surmonté par un visage d’ange aux traits délicieusement anguleux. Et ce regard où se lisait l’ambition comme la fierté de participer à un système organisé pour le bien d’une société bien ordonnée. Ainsi l’avais-je contemplé dans la jalousie de ses collègues et jamais je ne pensais le voir un jour venir s’abandonner entre mes bras.

Cette nuit d’orage devrait rester gravée éternellement dans ma mémoire.
Les pluies acides tambourinaient fortement sur l’habitacle du hangar que je squattais pour mes passes et il était là, seul, dans une chemise froissée à moitié ouverte.
Le regard douloureux qu’il posa sur moi avec la sensation qu’il regrettait ce qu’il allait faire.
Il s’est approché de moi. Il sentait l’alcool bon marché et je compris que celui que m’avaient décrit ses collègues avait bien changé.

Ses mains tremblaient à moitié et je l’ai senti fondre contre moi, perdu, à la recherche de cette chaleur humaine abandonnée en devenant le surveillant d’Europa.
Il glissait toujours plus profondément dans la peur de se perdre dans ce qu’il craignait le plus.
Son code chantait doucement en moi avec cette sensation que tout allait éclater en mille morceaux.

She seemed dressed in all of me, stretched across my shame.
All the torment and the pain
Leaked through and covered me
I’d do anything to have her to myself
Just to have her for myself
Now I don’t know what to do, I don’t know what to do when she makes me sane.

Habituellement, je l’aurais repoussé hors du hangar mais quelque chose me perturbait.
La pulsation de son code présentait une anomalie, constante, récurrente et cette chanson éveillait un étrange souvenir en moi, des images issues des ténèbres de ce passé précédant mon infection.

Je l’allongeais sur la couchette réservée à mes passes et je l’observais avec une tendresse presque maternelle. Ce vide que je ressentais fuyait trop rapidement au point que j’aurais du prendre peur et le fuir au plus vite. Son code continuait de battre ce rythme irrégulier au sein duquel je discernais par moment des anneaux qui s’enroulaient paresseusement en profondeur.

Il continuait de délirer :

She is everything to me
The unrequited dream
A song that no one sings
The unattainable, Shes a myth that I have to believe in
All I need to make it real is one more reason
I don’t know what to do, I don’t know what to do when she makes me sad.

Des souvenirs encore et des visages venant troubler ma vision. Une vitre de verre entre ces gens et moi et de l’eau autour de moi. Etouffante, envahissante, angoissante…

Spencer qui se relève soudain, saisissant mon bras, me faisant presque mal et mon code se brouille alors que j’abandonne la lutte pour plonger en lui comprendre ce qui le mine, ce qui me remue depuis son apparition.

Des fantômes du passé, des blouses, et des scientifiques s’affairant autour de tubes étranges.
Un homme assez vieux dirige les opérations et l’inconscient de Jack me souffle qu’il s’agit d’un des trois êtres les plus importants au monde.
Je ne comprends et continue d’observer la scène avec détachement.

L’eau dans les tubes semble bouillir et des cris s’en échappent… des voix humaines, des visages qui se plaquent contre le verre froid. Trois tubes et pour chacun une inscription : E.V.E., A.D.A.M. et le dernier m’échappe. Je me sens éjectée de la mémoire de Jack, un serpent monstrueux enroulant ses anneaux autour de son code et sifflant avec agressivité à mon attention.

J’ai été mordu et mon code se décompose à l’endroit de la blessure. Un virus de classe A, sans doute un des plus violents et il vit en Jack sans que cela ne détruise son code.
C’est ce qui pulse en lui depuis que je l’ai rencontré, cette créature qui défend cette mémoire volée. Ces données n’appartiennent pas à mon hôte mais à quelque chose d’autre.

Je m’extrais du réseau avec précaution. Des vertiges, j’ai besoin de m’asseoir…

Spencer qui se relève, le regard vide, les lèvres agitées par le démon qui le possède :

But I won’t let this build up inside of me
I won’t let this build up inside of me
I won’t let this build up inside of me
I won’t let this build up inside of me

A-t-il seulement conscience de ce qu’il chantonne alors que la folie le gagne?

Il ne titube plus comme si l’alcool absorbé pour endormir le serpent s’était dissous complètement dans le code.
Son regard a quelque chose de meurtrier et au fond de moi commence à naître du désir.
Je le veux maintenant, avec cette bestialité et cette animalité qui me fait sentir qu’il va me faire mal pour me faire du bien.

La blessure continue de me lancer. Peu m’importe. Je le veux maintenant tout de suite avec ce mal qui gît en lui, homme parfait, déchu de sa position de suprématie, venu se vautrer avec moi dans la fange d’Europa. Je le caresse de mon code, m’ouvre pour l’accueillir. Ni homme, ni femme, je navigue entre les deux et le laisse me pénétrer avec cette délicatesse qui me fait défaillir.

Son code, comme le mien, vibre d’une passion charnelle intense.
Les araignées du réseau peuvent venir qu’elles ne verraient que deux créatures enchevêtrées dans des étreintes que leur morale étriquée réprouve de toute manière.

J’ai en moi, le modérateur central le plus pervers qu’Europa ait jamais porté. Monstre à l’âme torturée, déchirée entre la perfection du parangon et la malice de la bête humaine…

A catch in my throat choke
Torn into pieces
I won’t, no!
I don’t wanna be this…

Abandonne-toi, Jack.
Tu le désires autant que moi car tu es homme qui aime aller au-delà des conventions.
Tu n’es pas ce rigoriste qui veut défendre un ordre figé mais cette particule du chaos qui t’a amené jusqu’à moi.
Tu savais pour le serpent et tu voulais le partager avec la créature la plus déchue que tu connaisses.

Ses mains glissent autour de mon cou.
Puissantes, sans aucune hésitation. Sa jouissance est sur le point d’arriver et il m’étouffe lentement, sûrement.
Mon code s’affole. Le sien délire et le serpent affleure, léchant ma blessure, glissant en moi par la brèche.

Je le sens nous unir d’une manière que je n’aurais jamais osée avec mes clients les plus réguliers.

Un flashback, plus violent, me déchire de l’intérieur.

Ce visage contre le verre… c’est le mien. Il s’agite, crie, je souffre et ces scientifiques me regardent avec ce soupçon de mépris. Je ne suis que cobaye pour ces hommes et femmes de science.
Et cet ancien au regard dérangé qui vient coller son front contre le verre, m’observe, puis murmure : « Lilith… »

La voix de Jack semble se perdre en moi et sa mémoire avec.

She isn’t real
I can’t make her real
She isn’t real
I can’t make her real

L’accès soudain à une connaissance jusqu’alors tenue secrète, des données compilées, archivées, oubliées qui se déversent en moi, me submergent et m’entraînent bien avant la création d’Europa…

Poursuivez la plongée dans Europa avec E.V.E. !