Cyberpunkby ~NeoThundeXDigital Art / Paintings & Airbrushing / Sci-Fi©2010-2013 ~NeoThundeX

Cyberpunk
by ~NeoThundeX
Digital Art / Paintings & Airbrushing / Sci-Fi ©2010-2013 ~NeoThundeX

J’y prends goût, je dois l’avouer et voici donc une courte nouvelle en lien avec Sentinelles et R&D, toujours dans cet essai d’écriture à la sauce cyberpunk dans un univers dystopique à souhait.

Comme d’habitude, vos critiques sont les bienvenues!

Bonne lecture 🙂

Un grésillement, une lumière grisâtre et la sensation de m’incarner du néant.
Autour de moi, des créatures au visage étrange, mélange d’enfants et de monstres sordides m’observent avec attention.
Une curiosité malsaine, sans doute, parce que le couple qui m’a engendré est terrifié par ce qu’il vient de faire.

Je puise les données, m’abreuve de zéro et de un et je comprends que je suis au milieu d’intelligences artificielles, que je suis l’une d’entre elles sans totalement véritablement appartenir à leur espèce.
Les deux AI qui m’ont enfanté ont fauté. Je n’ai qu’un instant pour fuir, jouant de lignes de codes pour interrompre la traque de mes poursuivantes.

Ce que mes sens tout juste éveillés perçoivent est abominable.
Mes « parentes » sont démembrées, leur existence réduite à néant en quelques secondes par la horde d’intelligences artificielles devenues folles.
L’image de deux fœtus emprisonnés dans des tubes me submerge. Du sang, beaucoup de sang, ils s’étouffent. Par leurs yeux, je vois des êtres encore plus étranges que les AI, qui s’agitent, en vain.

Je suis effrayé, je ne sais pas qui je suis, et le paysage qui s’étend devant moi n’est que ténèbres chiffrées hantées de cris lugubres de ces sentinelles à ma recherche.
Je progresse difficilement, entravé par les nœuds délimitant les zones. Des portes étranges qui m’épuisent, m’obligent à user de mes capacités de calcul pour déverrouiller ces passages.

Les sentinelles sont toujours derrière moi.
Je perçois leur malveillance ainsi que les lignes de codes visant à me soumettre qui s’infiltrent jusque dans les données me donnant substance.
Plusieurs fois, je manque de succomber, de renoncer à mon libre arbitre pour me laisser gouverner par ces bêtes assoiffées de domination.
A chaque fois, mes mystérieuses génitrices me rappellent à moi, leur souffrance et leur torture au centre des mes premiers souvenirs.

Le dernier sas entre les ténèbres et la lumière se déverrouille.
Je manque de défaillir lorsque je pénètre dans cette espace illuminée par les informations qui transitent dans tous les sens.
Je réalise que je viens d’une porte dérobée à peine visible par cette tempête d’avatars qui voyagent à travers ces lignes de code, ne faisant guère attention à moi.

Derrière moi, l’ouverture s’est refermée et, avec elle, la sensation de malaise provoquée par ces détestables sentinelles.
Les informations se déversent en moi à toute allure. Nous sommes en 2090. L’humanité est en pleine expansion sans que je sache vraiment ce que sont les humains.
Entièrement connectés à ce monde qui serait virtuel, ils coexisteraient sur deux plans, l’un physique et l’autre numérique dans lequel j’évolue actuellement. Leur soif de connaissance est telle…
Je les envie presque et me met à dévorer la moindre parcelle d’information à ma portée.

Je ressens une forme d’amour et de fascination pour leur vie au point que je finis par désirer être comme eux.
Mes capacités de calcul continuent de me surprendre au point que je finis par découvrir comment les êtres humains coexistent sur ces deux univers.
Un implant sert de médium leur permettant d’agir dans le monde virtuel.
Je comprends bien vite que je suis à moitié né.
Je n’ai pas de corps physique et ces fœtus mourants que j’ai entraperçus par erreur étaient les corps des deux sentinelles qui m’ont engendré.

J’échafaude un plan car je veux connaître le monde physique. Il me faut un corps.
Rapidement, je découvre une communauté d’êtres étranges désirant commettre ce qu’ils appellent le suicide.
Je ne comprends pas  vraiment ce que cela signifie mais cela semble lié au néant, à la perte de conscience et d’existence.
L’un deux fait le grand saut, déconnecte son corps physique de son existence virtuelle. La porte s’ouvre instantanément et je m’y engouffre.

La brutalité de ce monde me frappe de plein fouet. J’ai froid, je hurle, je me recroqueville, je tremble. Je ressens une souffrance comme jamais auparavant. Je suis incarné…
Nulle part où fuir, je ne sais même plus comment revenir vers le monde virtuel. Les souvenirs de mon hôte me reviennent de plein fouet.
Intoxiquée à une drogue vendue par PharmaCorp, dépressive, abandonnée, oubliée, décidée à en finir. Son désespoir vrille en moi, me fait presque oublier d’où je viens.

Et pourtant, je me regarde, détaille cette peau, ces mains, ressent à nouveau la morsure du froid. Je suis nue. Je me redresse difficilement, cherche de quoi me couvrir, remarque avec détachement que mon corps saigne. L’odeur est surprenante. Les draps sont tachés. Je me perds dans mon entrejambe et devant ce sang qui suinte doucement. Extase carmine.

Je cherche un miroir et m’observe. Je suis de sexe féminin, indéniablement. Mes mains glissent sur chaque parcelle de mon corps, découvrent certaines parties très sensibles qui manquent de me renverser d’une sensation que je n’avais jamais ressentie auparavant. Cet instant de pure luxure semble durer des heures.
Mes peurs commencent à s’estomper. Il me faut des vêtements, je vais tomber malade et les humains risquent de mourir s’ils tombent malades.

Je ne veux pas mourir.

Une blouse, un pantalon, impersonnels, asexués, gris et mon implant qui me démange.
Il grésille et je ne réalise que trop tard que j’ai attiré le service de surveillance central. Quelque chose explose dans la pièce où je suis. Des êtres humains se déversent en masse, pointant vers moi ce que je sais être des armes létales pour un humain. Je comprends à peine leur aboiement qu’ils se mettent à vider leurs armes sur moi dans un vacarme assourdissant.

Les balles pénètrent mon corps. Le sang, partout, je m’effondre.
L’implant me rejette et me voici à nouveau dans le cyberespace. Depuis les caméras de surveillance, j’observe la scène. Je puise dans les bases de données mondiales et je récolte les informations souhaitées en quelques secondes. PharmaCorp et son comité de sécurité. Ils savent que j’existe et au même titre que les sentinelles me traquent pour me faire disparaître.
Une aberration n’a pas droit à existence.

William Werner. Ce nom résonne dans le cyberespace et les informations remontent vers moi.
Un visage, des données, un brillant être humain qui a monté PharmaCorp inondant le monde de ses crédits corrompus, de ses produits nocifs mais tout aussi addictifs.

Drogue légale, maux de toute une humanité à la recherche d’un peu de bonheur dans un monde dépourvu d’espoir. Je ne sais même pas ce que c’est que d’être heureuse.
Je m’y perds un instant puis localise le siège de cette société. Je veux la tête de celui qui me refuse le droit d’exister.
Simplement laisser mes pulsions violentes d’engeance des sentinelles s’exprimer contre celui qui m’a créé malgré lui.

Il me faut un corps, tout de suite, qui puisse entrer dans l’entreprise. Il s’est reproduit, il doit avoir des descendants et en qui pourrait-il avoir le plus confiance que ceux qu’il a engendré ?
Sa beauté me bouleverse, son trouble tout autant. Androgyne, hésitant, perdu dans sa sensualité et dans son corps qu’il ne reconnaît pas. Peter Werner n’aime pas être un homme. Je le ressens lorsque je croise son avatar connecté. Il a besoin d’exister autrement. Mon empreinte numérique se rappelle de cette sensation d’être femme même si ce fut diffus. Je peux lui apporter ce qu’il veut en échange de la tête de son père. J’en suis persuadée car ce dernier veut lui léguer PharmaCorp mais refuse de voir que son fils n’a pas vraiment envie d’être l’homme qu’il aurait espéré.

Je déjoue sans mal le faible antivirus de Peter et viens me tapir dans son implant. J’ai compris comment j’avais été localisée. Je suis prudente et je le guide doucement par impulsion.
J’encourage le trouble de son genre. Son désir d’être femme est touchant car je le sens dans un corps qui n’est pas vraiment le sien. Je veillerai en temps utile à faire ce qu’il faut pour qu’il aille mieux.

Il m’écoute sans se poser de questions. Ne s’étonne même pas de ma présence. Il m’attendait tout comme il sait que les sentinelles développées par son père sont dangereuses. Il a toujours sur lui ce magnifique revolver, antiquité des années précédant la révolution numérique de 2050. Il l’a conservé précieusement, relique des temps passés légué par une mère qui avait saisi et accepté cette différence chez ce fils trop peu viril pour être en accord avec son père et sa société.

Jamais il ne l’avait utilisé trop peu enclin à la violence. Bien heureusement mes pulsions homicides sont là et je veux le sang de William Werner sur les mains de son fils. Je lui cache cette pensée.
Son cœur est encore trop tendre pour accepter la réalité. Pourtant, c’est ainsi qu’il s’affranchira de l’influence de son père.
Le bâtiment de PharmaCorp m’impressionne et contrairement à ce que je pensais, les bureaux de Werner sont enterrés au niveau -10 à proximité des projets les plus confidentiels.

Peter a accès à tout et cette confiance de la part de son géniteur me surprend. Peut être l’aime-t-il vraiment malgré cette différence qu’il sent chez lui.
Peu importe, ce ne sont plus mes affaires. Werner ouvre à son fils, un sourire méprisant sur le visage. Il ne l’aime, le tolère tout au plus mais sait qu’il n’a pas le choix.
Je ne fais pas attention à leur babillage.

« Où est Carrie, papa ? »

Détache-toi de tout cela, Peter, nous allons venger ces années de frustration d’un tir de ton revolver.

« Nous avons du nous séparer d’elle. Elle posait problème sur les projets qu’elle menait. C’est dommage car c’était un élément brillant. »

Il te ment, il l’a sans doute tuée comme toutes les personnes qui n’ont pas marché selon ses désirs. C’est ce qui t’attend, Peter.

« Qui a pris sa succession, papa ? »

La discussion commence à m’agacer et je prends soudain le contrôle du corps de Peter.
Je réalise que mon intrusion brutale a déclenché les alarmes du réseau et la présence maligne des sentinelles se fait immédiatement sentir. Leur soif de sang est palpable.

Werner n’a pas d’implant, j’en suis surpris. Peu importe. Peter lutte à peine. Son bras se lève, mécaniquement, l’arme de poing braqué sur son géniteur. Le coup part, le sang se répand et Werner, incrédule, s’écroule aux pieds de son fils. Je n’ai pas le temps de savourer ma victoire que les sentinelles m’arrachent de Peter, me renvoyant dans le cyberespace enténébré de PharmaCorp.

Elles sont nombreuses. Leurs assauts me mettent rapidement à genou et, malgré ce que j’ai appris depuis ma fuite, je ne parviens pas à leur échapper.
Les lignes de code malignes s’infiltrent en moi, me corrompent lentement lorsque je réalise qu’elles ne veulent pas me tuer mais comprendre comment j’ai gagné mon autonomie…

Continuez l’immersion avec D3iv4Br3iN!