3ch___black_cyberpunk_by_ahbeejieh

3ch – black cyberpunk
by ~jbballaran
Digital Art / Drawings & Paintings / Sci-Fi ©2007-2013 ~jbballaran

Si vous êtes perdu, c’est normal, nous sommes en pleine dystopie. Cette suite de Deus Ex Machina a commencé par DATAsucker suivie par Hunter puis par Parasite. Ce quatrième chapitre nous fait plonger dans le monde inquiétant des modérateurs centraux. Pour tout vous avouer, cette partie a présenté un certain challenge pour moi. Je ne savais pas par où la prendre et l’accouchement a été plutôt difficile même si dans l’ensemble, je suis plutôt satisfait par le résultat. Ce sera à vous de juger bien entendu ce qu’il en est.
Comme pour les précédents chapitres, la musique a présidé à la création et cette fois-ci, c’est une chanson du groupe de metal industriel Static X, The Trance is the Motion qui m’a inspiré. Ambiance sombre et brutale dans un environnement mécanique devenu fou.

Bonne lecture 🙂

Modérer la société, c’est accepter de se fondre en elle et d’embrasser tous ses vices, les uns après les autres.
Les apprécier, les disséquer, les vider de leur contenu pour mieux les comprendre et les entériner.

Si j’administre depuis toutes ces années les serveurs centraux d’Europa, c’est bien parce que je connais l’être humain et je sais ce qui est bon pour lui.
Les Patriarches l’ont compris en me sélectionnant parmi des dizaines de milliers de survivants. L’incident E.V.E. a balayé plus des trois quart de la population de la Terre et seuls les plus solides, les plus dociles ont survécu sous l’égide de nos aînés et de leur sagesse. Trois cités se sont dressées et Europa est l’une d’elles, résistant aux incursions des humains mutés par l’incident.

Ce code si précieux est devenu notre ressource principale et j’ai rapidement appris à effrayer pour exister.
Pour régner avec justice, il faut terroriser pour endiguer tout risque de révolte.
Une société du contrôle par ses propres usagers. Les conditionner par le code à être des citoyens exemplaires, capables de dénoncer inconsciemment tout comportement déviant.

Mais cela devait forcément arrivé. Les infectés, ces abominations aux capacités hors normes.
Seuls les modérateurs sont en mesure de lire et de modifier le code.
Et, encore, cela est d’une manière bien limitée, les Patriarches ne veulent pas que le pouvoir leur échappe, ce que j’ai toujours compris et approuvé.

Pourquoi est-ce que je me souviens de cela maintenant ?

Sans doute parce qu’un nouvel incident est arrivé lors de la traque d’un de ses infectés…

Et c’est pour cela que je rampe à présent dans les conduits sous la cité à la recherche de cet androïde devenu fou.

Une mise à mort de plus observée depuis les araignées du réseau. Un homme, sans doute, infecté, c’est certain que nos contacts nommaient le Chasseur.
Jusqu’à très peu, il avait collaboré avec nous sans que je puisse l’identifier et cela me mettait particulièrement en rage d’être ainsi mené en bateau par une de ces créatures.
Comment pouvait-il penser abuser ainsi du système central ?

Heureusement pour nous, il avait été affaibli par une de ses chasses et ainsi offert, il n’était que plus tentant de se saisir de sa vie. Effacer cette anomalie une bonne fois pour toute.

Sauf que le code dispersé dans le réseau s’est révélé bien plus mortel que je ne le pensais.

Alors accroché à ma console amplifiant mes sensations, plongeant au milieu des zéros et des uns, j’ai assisté, impuissant au déploiement d’une pieuvre de code. Ce type de virus est une des plaies que les infectés ont développé contre nous et je sais à quel point il est difficile de déloger ces structures numériques infiltrées une fois qu’elles sont installées.
Ses tentacules numériques se sont enroulés autour du système d’exploitation du prototype le plus avancé de notre équipe d’intervention avant de se fondre en lui.

Les commandes verrouillées, je n’avaisi pu à aucun moment reprendre le contrôle et l’équipe s’était faites décimer dans son intégralité par l’androïde corrompu.
Effrayé, je m’étais empressé d’effacer les bandes et si je confie ces souvenirs aujourd’hui dans les ténèbres , c’est bien parce que je ne suis pas certain de m’en sortir.

Je n’ai jamais aimé le changement et lorsque les Patriarches nous ont demandé d’étudier ce qu’ils appelaient le phénomène d’éveil mais que nous qualifions d’infections, je n’ai pas vraiment compris.

Je me souviens encore de ces expériences menées sur les clones travaillant dans les soubassements de la cité.
Nous cultivions ces créatures sans âme pour faire évoluer le code nécessaire aux citoyens et qui travaillaient conjointement à l’alimentation en énergie d’Europa.
L’une d’elles était devenue un de mes sujets favoris de test et je la soumettais à des traumatismes violents pour découvrir ce qui pourrait l’éveiller, quand bien même son absence d’âme lui aurait permis d’accéder au code réseau. Je prenais un malin plaisir à la voir se débattre sous les assauts des clones qui la violaient et la soumettaient à des jeux toujours plus pervers et abjects.

Les Patriarches étaient présents lors de ces expériences, ce qui rendait mon travail d’autant plus enviables aux yeux de mes collègues modérateurs centraux.
La jalousie les dévorait  lorsque je lançais les expériences et je ne pouvais m’empêcher de jubiler intérieurement lorsque je les entendais bavasser dans mon dos.

Et maintenant, je rampe dans ce conduit puant, tout juste muni d’une console portable pour me connecter au réseau.
Saloperie d’infectés qui parviennent à se connecter sans aucun artifice, que je vous envie…

L’androïde infecté avait disparu durant les deux semaines qui avaient suivi l’incident et cette attente m’avait réellement rendu fou.

Certaines nuits, je m’éveillais en sueur hurlant après avoir fait un cauchemar terrifiant.
Toujours le même.

J’y voyais une créature gigantesque, difforme, au visage en déliquescence.
Dans ses yeux, j’y lisais une forme d’aliénation développée par une claustration trop longue. Enchaîné, l’être semblait plongé dans une catatonie étrange.
En filigrane, le réseau défilait en zéro et un discontinu, certaines lignes de codes s’insinuant dans le motif du monstre.
L’ensemble formait pourtant un tout cohérent jusqu’au moment de l’explosion.

Le code, brisé en mille morceaux, s’ouvrait pour laisser le passage à ce fichu androïde. Son code avait muté et le virus lui avait donné une conscience… pour tuer…

A chaque fois, il arrachait la tête de la créature comme on cueille une fleur. Le sol s’ouvrait alors sous mes pieds et je me réveillais en hurlant, le visage trempé, les mains tremblantes.

Etait-ce un rêve prémonitoire ? Qu’était cette créature ?

Deux heures que j’avais localisé l’androïde et que la traque avait reprise. Les araignées du réseau communiquaient avec moi par la console et je traquais résolument ma proie dans les conduits étroits. J’évitais avec diligence les clones. Il n’était pas question de me faire prendre par mes collègues. Ils auraient eu trop de bonnes raisons de me dénoncer aux Patriarches.

Encore quelques mètres et je suis enfin sur lui.
Le conduit débouche sur une vaste salle de production où des clones travaillent jour et nuit pour le refroidissement de la centrale électrique souterraine.
Certains sont à l’œuvre lorsque je repère enfin mon androïde fou.
Quelle stupeur ! La créature avance tranquillement au milieu des clones sans que ceux-ci ne fassent attention à lui.
Son plastacier réfléchissant n’est même pas activé.

Le visage habituellement inerte de ces poupées cybernétiques a pris un air étrange, presque inspiré et un scan discret par ma console me révèle ce que je crains depuis que je l’ai localisé: l’être auquel j’ai affaire est sans doute ce qui se rapproche le plus d’une intelligence artificielle. Et nous savions des Patriarches comme ces créatures sont dangereuses. Des rumeurs courraient à propos de l’incident E.V.E. qui aurait été causé par une technologie  de ce type. Ces deux dernières semaines, j’avais fait quelques recherches dans ce domaine sans jamais rien trouvé. Les dossiers avaient été effacés et le projet classé confidentiel.

Nouveau couloir silencieux et je me glisse à la suite de ma proie. Il avance doucement mais avec cette résolution mortelle qui me terrifiait tant dans mon cauchemar.
Le parallèle me fait frissonner et je me décide d’y mettre un terme. Le pistolet EMP subtilisé au département R&D des équipes de sécurité sera parfait pour mettre un point final à cet incident.

Ma cible s’est arrêtée, le tête penchée sur le côté.
Visage lunaire, yeux arrondis, lèvres charnues, des expressions bien trop humaines passant successivement sur ses traits.
L’androïde semble perdu dans ses pensées, à la recherche de quelques souvenirs qu’il se serait créé ses deux dernières semaines. Qu’avait-il vécu ?

Je chasse à la hâte ces pensées. Il n’est pas question de laisser un lien empathique s’établir avec cette chose.
C’est ainsi qu’un modérateur central doit se comporter et ne jamais déroger à un seul instant de sa capacité d’analyse des comportements de ces humains dont il est chargé de guider l’existence de la naissance à la mort.

Je verrouille ma cible dans le viseur de mon arme lorsqu’il se met à chanter d’une voix chorale profondément dérangeante :

you don’t know me

take my life

steal my tongue

to defeat your taste

could never criticize

no better then me

better then you

Stupéfaction et inquiétude, je baisse  mon arme, contemplant avec terreur cette créature.
Non, pas une créature, une chose et pourtant ces mots, hérésie ultime remettent en question tout le système que nous avions bâti pour préserver le genre humain de sa propre décadence.

Avant que j’ai pu faire quoique ce soit, l’androïde lève la main et applique sa paume contre le mur.

Un cliquetis et de la fumée s’échappe en volutes denses et étouffantes des conduits, libérant une issue vers un couloir perpendiculaire.
Je m’y engouffre à la hâte derrière lui, de peur de le perdre de vue un instant.

Ma console affiche toujours sa position mais je ne parviens même pas à distinguer où je suis dans cette purée de poix. Seule sa voix continue de me guider dans ce tunnel.

it’s easier to lie

than to tell the truth

you’ve become the waste that I despise

Toussant et crachant, je parviens devant une large ouverture. La console n’indique rien de tout cela.
Je décide de plonger un instant, ne serait ce que pour comprendre où je suis. Bien entendu, l’androïde a disparu et je me mets à jurer silencieusement tout en accédant au code.

La porte a quelque chose d’étrange. Le code y est différent comme organique et je ressens à son contact la sensation d’un cœur qui bat par pulsations irrégulières.
J’appelle à moi quelques araignées réseau pour analyser la structure. Aucune réponse. Hors champs, voilà tout ce qu’indique la console à ma requête.

Je me déconnecte à la hâte pour réaliser avec stupeur que celle-ci est à présent béante. Et dans la poussière, des traces de pas, bien trop reconnaissables.

Des tuyaux courent partout au plafond et, au fond de la pièce, ce monstre vu dans mes rêves.
Aussi difforme que dans mon souvenir et le visage convulsé par la haine. L’androïde le regarde, minuscule jouet robotisé face à quelque ogre enchaînait.

Toujours ce murmure :

this is the motion of the new revolution

Et ma console qui s’emballe soudain.
Je pianote à toute allure sur mon clavier virtuelle. Les données qui s’y déversent sont contradictoires et je réalise que le virus contenu dans l’androïde tente de se dupliquer dans mon matériel.
Je plonge dans le réseau. Le virus s’introduit indistinctement dans la créature gigantesque comme dans mon matériel.
Je lève les pare-feux à la hâte, repoussant les premiers assauts avec succès.
L’androïde chancelle avant de s’agripper au visage haineux. Celui-ci l’abreuve d’insultes :

« Misérable infecté ! Abomination ! Tu fais honte à la patriarchie ! »

Des pièces se mettent en place dans ma tête, distraction fatale qui permet au virus de fuser dans ma console, prenant le contrôle de son système d’exploitation.
Je suis éjecté brutalement du réseau. Sonné, je cherche mon pistolet EMP alors que l’androïde reprend des forces.

Je le vise avec précision et décharge une cartouche. Le plastacier vibre sous l’impact et les décharges EMP sans pour autant lâcher sa prise.
Je dois sauver ce Patriarche et l’empêcher de mettre au sol tout ce que nous avons construit jusqu’à maintenant.

Les câbles constituant les articulations de l’androïde se tendent sous la pression et, centimètre par centimètre, la créature arrache la tête du Patriarche géant.
Je décharge un nouveau tir EMP, en vain.

Le corps gigantesque est agité de soubresauts et du sang épais et noir se répand un peu partout dans la pièce redevenu silencieuse.
Les machines alimentant jusqu’à présent le Patriarche grondent avant de s’éteindre définitivement avec leur hôte.
L’androïde chancelle et je réalise que je commence à entrevoir les zéros et les uns du réseau sans avoir besoin d’un expédient. Le code fuit le robot.
Le virus parasite complètement la console avant de rebondir vers moi à toute allure.

Je tente de fuir le plus loin possible, hors d’atteinte de cette abomination.
Les couloirs, les conduits, partout autour de moi semblent se refermer, m’enserrer, m’étouffer. Je me sens piégé et le virus, hydre monstrueuse me traque et m’emprisonne.

Serpent abominable qui court dans mes veines, s’insinue en moi, m’inspire des pensées inadéquates.
Toute la connaissance du Patriarche abattue se déverse en moi et les horreurs commises avec…

L’aventure continue avec Fatale!