Les Ténébreuses sont finies et j’ai l’envie de partager avec les lecteurs du blog quelques créations écrites datant de mon adolescence, à l’époque où j’avais monté avec des amis un fanzine nommé Fée d’Hiver et sur lequel j’avais commencé à publier la première version du Chat.

Pour ce billet, je vous propose de découvrir le monde du Caect, gouverné par une reine sinistre et fascinante.

Bonne lecture et n’hésitez pas à me faire part de vos remarques 🙂

Prologue:
Il s’agit de définir quelques termes pour une meilleure compréhension de la nouvelle.
Notre histoire se déroule dans le Caect, une terre grise et recouverte d’un sable sans cesse balayé par un vent insistant.
Dans ce monde dirigé par une reine, la Déesse de la Mort, vivent trois royaumes dits nuages. Le héros vient du nuage du Rêve. Les Rêves sont un peuple respectant les anciennes règles de chevalerie. Des gens très courtois, bien que parfois trop cérémonieux. Le peuple du nuage du Cauchemar représente l’antithèse maléfique du peuple cité plus haut. Ces créatures se complaisent dans une débauche excessive et cruelle. Le dernier des nuages abritent les Songes ou Sic’gas, des réprouvés résultant de l’union interdite entre un Rêve et un Cauchemar. Leur instabilité matérielle et psychique entraîne chez eux une sorte de folie. Le Caect supporte aussi des créatures étranges et asservies à ces peuples. Les ronilcas sont les loyales montures des Rêves. Pensez aux magnifiques destriers blancs de nos chevaliers du Moyen Age et vous aurez une description assez fidèle. Quant aux n’loelds, ce sont des créatures déchues dont le secret de la chute est un véritable mystère. Et qui est donc le compagnon du héros, quelle est son identité? Que de mystères qui seront peut-être résolus dans la prochaine histoire…

Qu’il aimait ces lumières réfléchies par le Nuage!
Qu’il aimait ces gens qui y vivaient, leur peau d’albâtre éclairée par la lueur azurée du royaume!
Mais il s’était décidé: il voulait découvrir le Caect, ses mystères et sa fabuleuse reine que son plus fidèle ami lui disait si belle.
Maintes fois son doux ami au visage sombre lui avait décrit cette peau si blanche, ses yeux gris et lumineux et ses mains d’une finesse éblouissante.
Tous s’inclinait devant elle, louant sa beauté et son ineffable pouvoir. Damic, car tel était le nom de son fidèle compagnon, lui décrivait toujours la vaste salle du trône d’où la majestueuse reine dirigeait son vaste royaume immobile. Le jeune Rêve, écoutant les paroles de Damic, voyait se dérouler devant lui les danses somptueuses et lascives des courtisans immortels. Trois femmes caressaient de leurs doigts experts les cordes bleutées d’une harpe monumentale. Et la musique qu’elles en tiraient était en tout point magnifique. Enivré par tant de sensations auditives et visuelles, Occinact, le jeune Rêve, s’effondrait dans son extase délirante. Une dernière rencontre avec Damic l’avait décidé à fuir le royaume-nuage si terne en comparaison des délices que l’on lui promettait au coeur de la cour de la reine. Néanmoins un détail inquiétait Occinact. Son ami ne voulait jamais pénétrer dans le royaume- nuage.
Mais il suffisait qu’il pose les yeux sur son fin visage bruni par le temps et toute crainte, toute suspicion à l’encontre de son ami s’évanouissait. Occinact ne pouvait qu’aimer, que croire Damic, être à la voix si riche, aux paroles et aux conseils emplis de bon sens.
Ainsi, pour la première fois dans sa vie de Rêve, il avait volé. Il s’était introduit dans l’écurie principale du royaume et s’était emparé de deux ronilcas à l’attitude si placide. Son coeur battait à tout rompre. Il avait transgressé la loi première du peuple Rêve; la peur le tenaillait. Mais aussi au fond de lui-même, il sentait croître une exaltation farouche de toute puissance.
Qui en ce monde pouvait lui donner des ordres?

Il était ivre de son pouvoir fraîchement éclos. Et à cela se mêlait un amour, une reconnaissance profonde, pour Damic qui l’avait libéré de l’asservissement ignoble que s’imposaient les Rêves. Pourquoi s’encombrer de convenances aussi futiles?
Damic l’attendait, à la périphérie du royaume-nuage. Il souriait. Occinact s’aperçut qu’il aimait ce sourire si complexe. Il voyait s’y refléter des émotions contrastées. L’on y discernait l’autodérision mais aussi une certaine condescendance qui agaçait parfois le jeune Rêve. Mais, malgré cela, il appréciait ce sourire qui résumait si bien la personnalité infiniment particulière de Damic. Aussi loin qu’il pouvait s’en souvenir, Occinact se remémorait ce sourire.
Et ensemble ils parlaient peu. Damic lui transmettait des images par la pensée et Occinact lui répondait par ses émotions si passionnées. Ils chevauchèrent ainsi dans le silence infini du Caect. Ils communiquaient toujours et s’arrêtaient tout les trois octions pour laisser reposer leur monture. Même le vent âpre ne dérangeait pas le jeune Rêve. Il se préoccupait peu du temps qui régnait autour de lui. Son esprit voguait dans une eau enivrante aux senteurs épicées et étourdissantes. Occinact ne posait jamais de questions à Damic. Celui-ci lui fournissait des réponses aux questions qu’il commençait tout juste à esquisser dans son esprit. Damic étouffait impitoyablement toute inquiétude chez son jeune protégé et le menait toujours plus profondément vers les splendeurs de la cour de la reine. Occinact ne connaissait même pas le nom de cette reine qui étendait son règne sur le Caect. Cela aussi il s’en préoccupait peu.
Il ne comptait plus le temps qui passait, il était trop occupé par les images ininterrompues que lui projetait Damic.

Lorsqu’ils parvinrent aux portes du palais de la reine, Occinact manqua de vider les étriers tant la beauté du bâtiment l’avait ébloui. Jamais il ne fut autant ému par une pareille vision. Des larmes de joie et de tristesse perlaient sur ses joues nacrées. Et son fidèle ami Damic lui donnait la possibilité d’appartenir à cette magnificence. Tant de beauté dans ce monde gris et uniforme ne pouvait être qu’illusoire. Mais lorsque Damic lui fit traverser le pont-levis, il comprit que tout cela était bien réel, que ce magnifique château ne risquait pas de disparaître au moindre contact. Occinact, euphorique, remarqua à peine les deux gardes trapus, des n’loelds, qui protégeaient de leur petite taille l’immense palais. Les colonnes… il y en avait partout autour d’eux. Ils avançaient, côte à côte, dans la lumière.

Autour d’elles s’étendait une obscurité moite et inquiétante. Un maléfice émanait des ténèbres et un frisson de terreur enfantine agita Occinact. Mais Damic dissipa instantanément ses craintes. Il sentit la chaleur du réconfort l’envahir lorsque son ami posa sur son épaule sa main douce et rassurante. Son sourire mystérieux plana sur ses lèvres brunes. Quelle bonheur était-ce pour Occinact que de voir son ami sourire! Seule la joie restait peu après. Il ne se débattit pas lorsque Damic l’attira derrière une colonne dans les ténèbres. Une étrange émotion filtra en Occinact lorsque Damic, si séduisant, l’étreignit tendrement contre lui. Il ne résista qu’à peine quand son ami effleura son cou nacré de ses lèvres sombres. Quelle extase ce fut lorsqu’il sentit sa vie le quitter en à peine quelques fragments d’oction! Grisé par le plaisir, Occinact sentit ses jambes le trahir. Il aurait chuté à terre si Damic ne l’avait soutenu et ramené dans la lumière. Il regarda, émerveillé, sa peau, jadis d’albâtre, prendre une teinte plus sombre presque aussi brune que la peau de son tant aimé ami. Mais en lui criait une voix. Elle le prévenait du danger, du viol commis, mais Damic étouffa rapidement les protestations silencieuses à l’aide de ses habiles caresses psychique.

Et Occinact vit comme dans un rêve les majestueuses portes de la salle du trône se rapprocher d’eux. Deux nouveaux gardes n’loeds conservaient leur parfaite immobilité devant cette haute et large ouverture. Une fois encore le jeune Rêve les ignora et, au côté de Damic, il passa dans la COUR!
Que de merveilles devant lui! Des danseurs grands et filiformes tourbillonnaient gracieusement au grés d’une musique douce à l’oreille et violente à l’âme. Occinact vibrait d’émotions, ses sens subjugués par cette beauté magnifique, presque étouffante. Il savait maintenant. Il était né pour appartenir à ce monde merveilleux, à cette population supérieure à toutes celles du Caect. Il vit son ami. Toujours le même sourire…
Quel bonheur! Quelle extase! Sa tête tournait… et s’égara sur la femme assise sur le massif trône de marbre poli. Un charme animal émanait de cette personnalité imposante. L’on sentait un esprit fort dans une enveloppe fine et délicate. Et Occinact l’aima de cet amour que l’on ne peut éprouver qu’une fois dans toute une existence. Le jeune Rêve savait au fond de lui-même qu’il avait trouver son port, sa destination finale.
De telles yeux illuminaient son être dans son entier, et il ne put qu’imaginer la douce chaleur que dégageait ce corps si gracile.

Encore une fois Damic l’attira à l’écart des danseurs dans une embrasure de la salle. Il sentit la peau de son cou frissonner lorsque son ami appliqua à nouveau sa bouche crevassée. Un sentiment d’horreur naquit cette fois-ci rapidement étouffé par les caresses insistantes de Damic. Ses jambes se dérobèrent soudain sous lui et son bien-aimé ami le soutint précipitamment. Personne n’avait vu, personne ne voulait voir. Occinact, le souffle court, s’appuya contre une des colonnes de la salle et regarda sa peau qui semblait s’être desséchée et racornie. Il manqua de hurler en contemplant son reflet dans le marbre poli. Ses lèvres craquelées et brunies, la peau de son visage noircie par des flammes illusoires, ses yeux réduits à des grottes profondes et obscures. Et devant lui ricanait Damic. Sa peau inexplicablement éclairée donnait à son sourire un air encore plus insolent.
Et il disparut, moqueur…
Occinact releva une dernière fois la tête.
Les quelques bribes de raisons qui tourbillonnaient encore dans sa tête répétaient en faiblissant à chaque syllabe:
“Aliaci… Aliaci… A… lia… ci… A… lia… ci… A…”