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Le réveil est rude pour le monde entier : Donald Trump est président des Etats Unis et prendra ses fonctions en janvier 2017.

Pourtant, les pitreries de celui qui a été surnommé roi des trolls le disqualifiaient d’emblée chez les instituts de sondages comme chez les médias.

Les prévisions de Michael Moore, qualifiées de fantaisistes à l’époque, se sont réalisées et bien qu’un sondage à la méthodologie à priori plus scientifique annonçait avant l’élection la victoire de Donald Trump, rien n’y a fait.

L’heure n’est plus à savoir si nos outils de sondages et nos médias sont dans l’erreur mais bien plus à se poser la question du pourquoi nous ne sommes même plus capables de communiquer efficacement avec ces personnes pro-Trump qui pensent que des valeurs basées sur le racisme, le sexisme, l’homophobie ou plus communément la haine de celles et ceux qui leur sont différents constituent un ciment viable pour la société de demain.

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Le Point Desproges

1980-85 MORLAIXVoilà quelques temps que je n’ai pas posté un billet sur cet espace pour des raisons assez obscures dirons-nous mais là n’est pas la raison. Si la dernière fois, je vous ai assommé avec une de mes dernières créations, aujourd’hui, quelque chose sur l’Internet m’irrite particulièrement.

Il s’agit de l’émergence quasi systématique du « Point Desproges » dès qu’il s’agit de remettre en question l’humour de son interlocuteur. Expliquons sur ce qu’est ce point en quelques mots.

A la base, il y a la loi de Godwin énoncé par Mike Godwin en 1990 et qui dit stricto senso:

Plus une discussion en ligne dure longtemps, plus la probabilité d’y trouver une comparaison impliquant les nazis ou Adolf Hitler s’approche de 1.

Calqué sur feu Pierre Desproges, maître en chef de l’humour noir, le « Point Desproges » est évoqué par tout défenseur de l’humour incompris en citant de manière tronqué ce trait d’humour lancé par l’auteur il y a bien longtemps:

On peut rire de tout, mais pas avec n’importe qui.

  • Les réquisitoires du tribunal des flagrants délires – Tome I, Pierre Desproges, éd. Points, 2003 (ISBN 978-2020685368), Réquisitoire contre Jean-Marie Le Pen le 28 septembre 1982, p. 102-107

Communément, cette citation est reprise ad nauseam dès qu’il s’agit de justifier de un trait qui se veut humoristique et qui prend généralement à partie un groupe. Rentre facilement dans ce type « d’humour » les remarques sexistes, homophobes, racistes dont l’auteur se déculpabilise totalement du fond en prétextant que son auditoire n’a pas le même « humour » que lui.

Comme l’explique très bien Denis Colombi sur son blog Une heure de peine, l’humour au départ sert à rapprocher les êtres humains entre eux en riant ensemble. L’humour discriminant lui ne participe qu’à diviser en faisant en sorte qu’une partie de l’humanité soit moquée par l’autre. Cela renforce le communautarisme plus que le partage et nous savons tous à quelles extrêmes peuvent mener un tel renfermement.

Mais revenons à cette citation de Desproges maintes fois reprises ces dernières années et sûrement autant de fois mal interprétée pour justifier les pires abominations.

Ces quelques mots ont été extraits hors de tout contexte sans chercher à savoir pourquoi Desproges les avait écrits et avec quel objectif. Rappelons donc à toute fin utile que l’auteur animait en 1982 les Réquisitoires du Tribunal des Flagrants Délires où il recevait avec certains de ses autres compères des personnalités politiques ou pas. Il était de bon ton de leur tailler des costards. Ce 28 septembre 1982 (mince, j’avais 2 ans à l’époque ^_^ ), Pierre Desproges traduisait un certain Jean Marie Lepen devant ce tribunal fictif.
Voici un extrait du texte en question:

S’il est vrai que l’humour est la politesse du désespoir, s’il est vrai que le rire, sacrilège blasphématoire que les bigots de toutes les chapelles taxent de vulgarité et de mauvais goût, s’il est vrai que ce rire-là peut parfois désacraliser la bêtise, exorciser les chagrins véritables et fustiger les angoisses mortelles, alors oui, on peut rire de tout, on doit rire de tout. De la guerre, de la misère et de la mort. Au reste, est-ce qu’elle se gêne, elle, la mort, pour se rire de nous ? Est-ce qu’elle ne pratique pas l’humour noir, elle, la mort ? Regardons s’agiter ces malheureux dans les usines, regardons gigoter ces hommes puissants boursouflés de leur importance, qui vivent à cent à l’heure. Ils se battent, ils courent, ils caracolent derrière leur vie, et tout d’un coup ça s’arrête, sans plus de raison que ça n’avait commencé, et le militant de base, le pompeux P.D. G., la princesse d’opérette, l’enfant qui jouait à la marelle dans les caniveaux de Beyrouth, toi aussi à qui je pense et qui a cru en Dieu jusqu’au bout de ton cancer, tous, tous nous sommes fauchés un jour par le croche-pied rigolard de la mort imbécile, et les droits de l’homme s’effacent devant les droits de l’asticot.

  • Les réquisitoires du tribunal des flagrants délires – Tome I, Pierre Desproges, éd. Points, 2003 (ISBN 978-2020685368), Réquisitoire contre Jean-Marie Le Pen le 28septembre1982, p. 102-107

Desproges, tout au long de son réquisitoire, souhaitait prouver qu’il était possible de rire de tout dans la mesure où cela permettait une cohésion entre les gens, que tout le monde puisse en rire ensemble parce que pour l’auteur, l’humour est la politesse du désespoir qui permet aux êtres humains de tenir ensembles face aux pires atrocités de la vie et de la mort.

La séquence avec texte intégral pour le plaisir des oreilles et de l’âme:

Vous le comprendrez, ça me choque particulièrement d’entendre les paroles de Pierre Desproges reprises de manière éhontée dans un sens complètement contraire à sa portée initiale souhaitée. Oui, je l’avoue, Desproges est sans doute mon Richard Garfield de l’humour et que certains « humoristes » racistes, sexistes ou homophobes se revendiquent de lui en se permettant des remarques du même type sous couvert d’un « humour noir » d’exception me tape profondément sur le système et ne me fait pas rire.

Pour reprendre une image assez simple, c’est comme si tout un village se moquait de l’idiot du village sous prétexte qu’il est idiot et différent et que cela devrait se révéler « drôle ».

Fatalement, lorsqu’une personne évoque ce « point Desproges » pour justifier l’injustifiable et me renvoyer à la figure le fait qu’il n’a pas d’humour, cela m’irrite. Au mieux c’est de la beaufitude, au pire, c’est de l’agression raciste, sexiste ou homophobe à peine assumée et cela participe à cette ambiance nauséabonde qui règne actuellement en France.

Ne détournez pas les yeux et ne fermez pas les oreilles, vous voyez sans doute de quoi je veux parler. C’est cette langue déliée qui se permet des propos homophobes constants, cette vague de haine qui a monté lors des « manifestations » contre le mariage homosexuel ou tout simplement la déshumanisation abominable dont a été victime Christiane Taubira ces dernières semaines par des militants de l’extrême droite et de la droite extrême.

Continuer à colporter cet humour douteux, c’est nourrir consciemment ou inconsciemment cette montée nauséabonde et puante de racisme, de sexisme et d’homophobie, ce qui va quelque part contre l’envie de tout un chacun de vivre ensemble dans une démocratie où chacun devrait avoir sa place quelle que soit sa confession religieuse, son orientation sexuelle, ses origines ou son sexe.

Je finis ce court billet par un texte de Virginie Despentes (vous savez que je l’adore) où elle montre à quel point nous avons besoin de personnes politiques comme Christiane Taubira pour faire avancer la France en brisant un à un les vieux comportements réac’ qui freinent, blessent et tuent des personnes jour après jour dans notre société.

J’en parlais déjà précédemment et j’en reparle à nouveau suite aux évènements de ce weekend et aux déclarations imbuvables du « premier » d’entre nous.

 le souligne fort justement  dans son billet où elle rappelle à quel point la prise de position de Flamby premier est sûrement une des plus belles aberrations qu’on ait sorti ces dernières années et pourtant Sarkosauron nous avait habitués à de belles absurdités.

A moins que vous ayez passé les derniers jours en hibernation, vous n’êtes pas sans savoir que des marches de haine ont été menées aux quatre coins de la France le weekend dernier par des militants homophobes contre l’accès au mariage et à l’adoption pour les couples homosexuels, sur des argumentaires spécieux, motivés essentiellement par une peur du changement.

Des agressions tout simplement inadmissibles ont été perpétrées contre Caroline Fourest et des membres du FEMEN venues faire un stand-up contre cette manifestation.
La réponse que CIVITAS et son service d’ordre aux manières effrayantes est tout simplement disproportionnées face à ce gentil troll orchestré par neuf personnes seulement.
Une telle haine retourne l’estomac et emplit de colère. Les témoignages du FEMEN comme de Caroline Fourest avec vidéo à l’appui sont saisissants.
CIVITAS, ne reculant pourtant devant rien, a décidé de porter plainte contre le FEMEN.
C’est certain, les c… ça ose tout…

Mais ce n’était pas fini.
Puisque mardi, le roi Flamby déclare aux maires de France de ne point s’inquiéter pour le mariage homosexuel: les élus auront le droit d’opposer leur liberté de conscience pour éviter de célébrer cette union et de déléguer à un de leurs subalternes. Je ne pensais pas vivre aussi longtemps au point de voir les principes laïques bafoués à ce point, donnant ainsi aux extrémistes religieux et autres partisans d’une France de l’ancien temps un signal tout simplement écoeurant: Les agressions perpétrées ce weekend n’ont pas été condamnées mais directement graciées par ce manque de courage face à la vindicte homophobe.

Au nom de sa liberté de conscience, un citoyen français peut donc désormais s’affranchir de la loi et justifier n’importe quoi.

Le message est trop fort pour être une simple maladresse.
C’est un manque de courage et de conviction qui ne peut que profiter aux mouvements et partis extrêmes qui ne se gèneront pas pour prendre un ascendant effrayant dans la politique du pays.
Simplement parce que l’on permet à des xénophobes, des homophobes, des personnes tout simplement haineuses de leur prochain s’immiscer dans des affaires qui ne les regardent pas.

Daniel Schneidermann d’Arrêt sur Images y va également de son opinion en mettant en avant cette tribune de Virginie Despentes, que je vais finir par imprimer et encadrer tant elle porte une voix de colère justifiée contre ces arriérés hétérocentrés et violents qui refusent tout changement. Cette réforme du mariage vise à donner des droits à des personnes qui n’en ont pas, à les mettre sur  un pied d’égalité, à les réintégrer à la communauté. Et le message du président va contre toute cette philosophie en donnant raison à des CIVITAS et autres homophobes à qui l’on pardonne tout.

Par pitié, cessons de discuter avec ces extrémistes: ils ne veulent pas dialoguer et échanger, juste « casser du pédé » comme le souligne avec un humour tout simplement décapant l’excellente Sofia Aram.

Il s’agit sans doute de la seule tribune qui m’ait fait sourire jusqu’à maintenant mais qui souligne bien l’absurdité d’essayer de dialoguer avec les homophobes.

Pourquoi donner de la visibilité et ne pas sanctionner ces gens qui ne veulent au final que promulguer une vision du monde où la haine de l’autre et du changement est la base de toute chose?